Club France Réussite : "Il faut ouvrir les jeunes des quartiers aux métiers de prestige"




Parce qu'elle était au lycée de Stains, on l'a orientée vers un BEP secrétariat. Aujourd'hui, dans l'association France Club Réussite, Rachida Grairi veut faire découvrir aux jeunes des quartiers les métiers de haut niveau et de prestige.




Rachida Grairi, fondatrice de Club France Réussite, avec des jeunes lors d'une visite de l'Assemblée nationale. © reussirmavie.net
Rachida Grairi, fondatrice de Club France Réussite, avec des jeunes lors d'une visite de l'Assemblée nationale. © reussirmavie.net
Devant le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée Nationale, la porte des visiteurs laisse entrer un groupe d'adolescents. Ils sont en 3ème au collège Saint-Jean de Sannois dans le Val-d'Oise, établissement des Apprentis d'Auteuil. Les garçons se bousculent mais dès la première salle, ils lèvent le nez vers les hauts plafonds et les dorures.

La visite n'est pourtant pas uniquement culturelle. "Nous venons découvrir les métiers de l'Assemblée nationale", explique Rachida Grairi, organisatrice de la visite. Chaque mois, elle entraîne ainsi des jeunes dans un lieu prestigieux - des cuisines de l'Elysée aux ateliers du joaillier Van Cleef & Harpel - pour leur faire découvrir des métiers et des professionnels qu'ils n'auraient sans doute jamais rencontrés sans elle.

L'histoire de Rachida : orientée vers un BEP secrétariat... comme toutes les autres

"Avec l'association Club France Réussite que j'ai créée en 2015, j'ai voulu permettre à des jeunes de quartiers d'élargir leurs horizons et de se donner de l'ambition pour leur orientation".

Rachida, elle, n'a pas eu cette chance. "J'étais d'Aubervilliers dans le 93, raconte-t-elle, et j'ai fait une seconde générale au lycée Maurice Utrillo à Stains. J'avais des capacités, mais je ne savais pas ce que je voulais faire et nous n'avions aucune information sur les métiers ou l'orientation." Et à la maison ? "Mes parents étaient ouvriers et analphabètes, ils ne pouvaient pas du tout nous aider".
 
"Je n'ai jamais entendu parler de Science Po au lycée""

A la fin de sa seconde donc, Rachida raconte avoir été "orientée" vers un BEP secrétariat. Les perspectives alors offertes aux jeunes de sa classe sont très limitées : "Les filles étaient orientées vers le secrétariat, les garçons vers le bâtiment. Je n'ai jamais rencontré un conseiller d'orientation ni entendu parler de Science Po par exemple".

Pressée de gagner sa vie, elle entre dans l'Armée au bas de l'échelle

Rachida Grairi, fondatrice du Club France Réussite.
Rachida Grairi, fondatrice du Club France Réussite.
Science Po, c'est la grande école qui mène notamment à la Fonction publique. Rachida, elle, y est entrée par la "petite porte" : "Après mon BEP, raconte-t-elle, comme beaucoup de jeunes de mon milieu, je voulais vite travailler pour gagner ma vie".
Elle passe alors les concours pour entrer dans l'Armée. "j'avais la chance d'être bonne en français et j'ai réussi. Mais avec un BEP secrétariat, je me suis retrouvée en bas de l'échelle."

Elle passe alors des concours internes de sous-officier permettant de gravir les échelons et accède à un poste dans les ressources humaines au ministère de la Défense". Là, elle est frappée par la diversité des métiers pratiqués : "Dans la Fonction publique, vous pouvez faire de tout : des ressources humaines, des finances, des achats... "

Raison qui la pousse aujourd'hui à amener des jeunes au Sénat ou à l'Assemblée nationale, pour leur faire découvrir des métiers accessibles par les concours administratifs.

De bac-2 à bac+2, elle monte les échelons de la Fonction publique

Rachida aime aussi avoir un travail qui a du sens : "Dans la Fonction publique, on travaille pour l'intérêt général". Et puis, les possibilités d'évolution sont vastes. Après un nouveau concours, elle est devenue fonctionnaire de catégorie B et travaille au ministère de l'Intérieur : "Aujourd'hui, je m'occupe de la formation pour les métiers financiers".

Bel itinéraire depuis un BEP secrétariat : "C'est vrai, je suis passée du niveau bac-2 à bac+2, reconnait Rachida. Et je pourrai dans l'avenir faire encore d'autres formations pour évoluer".

Pour l'instant cependant, Rachida veut surtout donner à des jeunes ce qu'elle n'a eu la chance d'avoir : une ouverture, des idées de métiers, des ambitions.

Découvrir de belles entreprises et se dire que rien n'est impossible

"J'ai eu envie aussi de faire découvrir à des jeunes des lieux prestigieux, de belles entreprises, des carrières dans l'univers du luxe, des médias, de la politique, des métiers d'art... Ce sont des métiers auxquels ils ne pensent pas et c'est pour cela que j'ai créé Club France Réussite. J'aimerai qu'ils puissent se dire que rien n'est impossible"

Depuis 2015, Rachida Grairi a ainsi proposé une trentaine de visites d'entreprise à forte notoriété : "En allant directement à la rencontre des professionnels, sur leur lieu de travail, et parfois en manipulant, les jeunes peuvent se projeter très concrètement dans le métier. A l'Ecole des arts joailliers, un jeune a pu discuter avec un professionnel. Et puis, un palace, un atelier de joaillerie, un grand journal... cela peut enthousiasmer". 

En ce jour de visite de l'Assemblée nationale, le moment où, les jeunes rencontrent un "argentier", agent chargé de l'entretien et du service des repas de gala, est un des clous de la visite !


Son message aux jeunes des quartiers : "Ne vous censurez pas !"

A la sortie, Rachida Grairi discute avec les jeunes et les animateurs. Parfois, certains émettent le souhait de faire leur stage de 3ème dans l'entreprise qu'ils viennent de visiter. Le Club France Réussite les aide alors à présenter leur demande.

"Mon conseil, dit Rachida Grairi, c'est de s'ouvrir, d'être curieux, et de ne rien s'interdire : il faut briser l'autocensure qui empêche les jeunes des quartier d'envisager certaines orientations. On enferme beaucoup trop les gens, en France, alors qu'il faut décloisonner".

Des visites marquantes dans des entreprises d'exception
Grâce au Club France Réussite, chaque mois, des jeunes des quartiers poussent les portes d'un univers professionnel prestigieux comme par exemple :
- Les cuisines de l'Elysée, pour découvrir les métiers de la haute gastronomie française en compagnie du Chef Guillaume Gomez et de sa prestigieuse brigade. 
- l'Institut national des Métiers d'Art (INMA) pour une démonstration des métiers de l'artisanat de luxe : joaillier, décorateur sur porcelaine…  
- La chaîne de télévision TF1 pour découvrir les différentes carrières possibles dans l'audiovisuel (programmes, marketing, technique...). 
- L'aérodrome des Mureaux pour les métiers de l'aviation ;
- Le Sénat ou l'Assemblée nationale pour les concours administratifs ;
- l'Ambassade du Pakistan pour les filières de la diplomatie internationale ;
- Le Journal Le Monde et Le Figaro pour les métiers du journalisme ;
- Le studio Harcourt, pour les métiers de la photographie de luxe ;
- le célèbre Palace Plaza Athénée, pour l'hôtellerie de luxe et la pâtisserie avec un "Meilleur ouvrier de France" (MOF) ;
- Le Château de Versailles pour découvrir et s’initier à la dorure...

Pour en savoir plus, voir la page Facebook du Club France Réussite
Une visite à la rédaction du journal Le Monde, pour découvrir le journalisme.
Une visite à la rédaction du journal Le Monde, pour découvrir le journalisme.

Que retenir de l'itinéraire de la fondatrice du Club France Réussite ? Faut-il se méfier des filières professionnelles ? "Pas du tout, je n'ai rien contre, dit Rachida Grairi. Mais il faut les choisir librement et par goût. On peut devenir un grand cuisinier ou un excellent artisan, mais il faut pouvoir aussi envisager d'autres voies".

"Après, je ne  vends pas du rêve, ajoute-t-elle : si un métier de prestige vous intéresse, il faut vous bouger, vous renseigner, poser des questions, et bien sûr travailler ! Quand on est intéressé par un domaine, envoyer un CV ne suffit pas : on peut contacter des professionnels sur les réseaux sociaux, aller les rencontrer sur des salons... 

"Et puis, on peut aussi se réorienter, progresser par étapes"... Autrement dit, ne pas subir mais choisir son orientation. Comme la battante fondatrice du Club France Réussite.

24 Janvier 2019

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