Philippine est une petite fille polyhandicapée que ses parents ont accueilli avec courage. Les médecins lui prédisaient une vie très courte mais voilà, sept ans plus tard, Philippine est toujours là, les yeux confiants et doux, suscitant l'amour de ceux qui l'entourent.
Au point que sa mère, Sophie Lutz, lui a consacré un livre : "Philippine, la force d'une vie fragile". La jeune femme y témoigne de ce paradoxe : malgré ses handicaps, physiques et mentaux, sa fille porte en elle une force de vie, et une capacité étonnante à attirer les autres.
Le témoignage de Sophie Lutz, la mère de Philippine, polyhandicapée
Au point que sa mère, Sophie Lutz, lui a consacré un livre : "Philippine, la force d'une vie fragile". La jeune femme y témoigne de ce paradoxe : malgré ses handicaps, physiques et mentaux, sa fille porte en elle une force de vie, et une capacité étonnante à attirer les autres.
Le témoignage de Sophie Lutz, la mère de Philippine, polyhandicapée
Il ne manque pas non plus de personnes adultes lourdement handicapées témoignant de leur joie de vivre, comme la peintre Denise Legrix, née sans bras ni jambes, qui vécut plus de cent ans.
Ma vie vaut-elle par son utilité ?
Alors, d'où vient la "valeur" de ces vies ? Sans doute pas de leur "utilité" économique ni de leurs performances.
C'est pourtant ce que défendent les philosophes utilitaristes, dont le grand théoricien fut l'Anglais John Stuart Mill (1806-1873). Pour ce courant encore puissant dans les pays anglo-saxons, tout doit concourir à maximiser l'intérêt général et minimiser la souffrance. Et une vie n'a de valeur que si elle apporte un "plus" à cette grande équation. On n'hésitera donc pas à supprimer le vieillard en fin de vie qui "coûte" à la collectivité, ou l'embryon dont les cellules peuvent être utilisées pour la recherche.
Une philosophie peu bienveillante, reconnaissons-le, pour celui qui se sent justement "inutile" ou "incapable" : salarié licencié, handicapé exclu, senior mis au placard, jeune ne trouvant pas de travail... L'intérêt suscité par l'économie sociale et solidaire témoigne de notre résistance à ces philosophies qui font de l'humain une simple variable d'ajustement.
Le philosophe allemand Emmanuel Kant estimait au contraire qu'une action, une vie, ont une valeur morale en elles-mêmes. Et en 1948, la Déclaration universelle des droits de l'Homme pose en préambule qu'il existe une "dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine". En somme, c'est son humanité, tout simplement, qui donne à notre vie toute sa valeur.
"J'espère que je ne "sers" à rien, car pour moi l'Homme n'est pas un objet conçu pour avoir une utilité, puis pour être jeté lorsqu'il ne correspond plus au besoin", estime Agnès, mère de famille.
C'est pourtant ce que défendent les philosophes utilitaristes, dont le grand théoricien fut l'Anglais John Stuart Mill (1806-1873). Pour ce courant encore puissant dans les pays anglo-saxons, tout doit concourir à maximiser l'intérêt général et minimiser la souffrance. Et une vie n'a de valeur que si elle apporte un "plus" à cette grande équation. On n'hésitera donc pas à supprimer le vieillard en fin de vie qui "coûte" à la collectivité, ou l'embryon dont les cellules peuvent être utilisées pour la recherche.
L'Homme est-il un objet ou une "variable d'ajustement" ?
Une philosophie peu bienveillante, reconnaissons-le, pour celui qui se sent justement "inutile" ou "incapable" : salarié licencié, handicapé exclu, senior mis au placard, jeune ne trouvant pas de travail... L'intérêt suscité par l'économie sociale et solidaire témoigne de notre résistance à ces philosophies qui font de l'humain une simple variable d'ajustement.
Le philosophe allemand Emmanuel Kant estimait au contraire qu'une action, une vie, ont une valeur morale en elles-mêmes. Et en 1948, la Déclaration universelle des droits de l'Homme pose en préambule qu'il existe une "dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine". En somme, c'est son humanité, tout simplement, qui donne à notre vie toute sa valeur.
"J'espère que je ne "sers" à rien, car pour moi l'Homme n'est pas un objet conçu pour avoir une utilité, puis pour être jeté lorsqu'il ne correspond plus au besoin", estime Agnès, mère de famille.
Ma vie vaut-elle par les plaisirs ou le bien-être qu'elle me procure ?
C'est une autre réponse que les sociétés développées tendent à nous proposer : confort, bien-être, loisirs, plaisirs... Tout cela ne rend-il pas la vie douce et plaisante, au point d'en boucher l'horizon ? La société de consommation se charge alors de proposer à tout individu tout ce qui pourrait combler sa quête : voyages, sensations fortes, distractions, rencontres, sex-toys, remèdes anti-stress, anti-douleur...
Si bien que lorsque les plaisirs s'émoussent et que la vie devient même douloureuse - du fait de la maladie, de l'échec, des deuils - l'individu en vient presque à revendiquer le droit de disposer de cette vie désormais "invivable" et sans valeur. Certains pays comme la Suisse n'ont-ils pas inscrits dans la loi un "droit au suicide assisté" ? Ma vie ne m'appartient-elle pas ?
"En un sens, notre vie est bien la nôtre, mais elle ne nous appartient pas totalement", rétorque le philosophe Paul Clavier, enseignant à l'Ecole Normale supérieure. Cette vie nous a en effet été transmise par nos parents et nos ancêtres et nous fait membres de la famille humaine.
Dès lors, c'est une violence faite à soi-même mais aussi à toute la société (à commencer par mes proches !) que de vouloir attenter à sa vie. "On n'imagine pas la souffrance que représente le suicide d'un membre de sa famille", soulignent les associations luttant pour la prévention du suicide.
Si bien que lorsque les plaisirs s'émoussent et que la vie devient même douloureuse - du fait de la maladie, de l'échec, des deuils - l'individu en vient presque à revendiquer le droit de disposer de cette vie désormais "invivable" et sans valeur. Certains pays comme la Suisse n'ont-ils pas inscrits dans la loi un "droit au suicide assisté" ? Ma vie ne m'appartient-elle pas ?
Parce que cette vie nous est transmise, elle ne nous appartient pas totalement
"En un sens, notre vie est bien la nôtre, mais elle ne nous appartient pas totalement", rétorque le philosophe Paul Clavier, enseignant à l'Ecole Normale supérieure. Cette vie nous a en effet été transmise par nos parents et nos ancêtres et nous fait membres de la famille humaine.
Dès lors, c'est une violence faite à soi-même mais aussi à toute la société (à commencer par mes proches !) que de vouloir attenter à sa vie. "On n'imagine pas la souffrance que représente le suicide d'un membre de sa famille", soulignent les associations luttant pour la prévention du suicide.
Ma vie prend de la valeur quand je passe du moi au nous
D'autre part, c'est justement cette vie de relation aux autres qui peut mettre de la "valeur", de l'amour, de la joie, là où il y a de la tristesse et de la solitude. "Nul n'est irrémédiablement seul au monde", affirme Paul Clavier pour qui "la vie la plus obscure peut rayonner d'humanité quand elle passe du moi au nous".
"Ta vie trouve du sens si tu oses la rencontre gratuite à l'autre", assure quant à lui Laurent de Cherisey, fondateur de maisons où valides et handicapés vivent ensemble. Cette vie, précieuse parce qu'humaine, trouve ainsi sa vraie valeur dans la gratuité de l'échange et de l'amour.
De ce point de vue, notre fragilité n'est plus un handicap mais l'occasion d'aller vers l'autre pour vivre cet échange. N'est-ce pas une bonne nouvelle pour chacun ?
"Ta vie trouve du sens si tu oses la rencontre gratuite à l'autre", assure quant à lui Laurent de Cherisey, fondateur de maisons où valides et handicapés vivent ensemble. Cette vie, précieuse parce qu'humaine, trouve ainsi sa vraie valeur dans la gratuité de l'échange et de l'amour.
De ce point de vue, notre fragilité n'est plus un handicap mais l'occasion d'aller vers l'autre pour vivre cet échange. N'est-ce pas une bonne nouvelle pour chacun ?