Quête du bonheur : y a-t-il une méthode pour être heureux ?



Le bonheur ! On y aspire de toutes ses forces, de tout son être, surtout quand on est jeune. Mais que désire-t-on, au juste ? Qu'est-ce que le bonheur ? Où le chercher ? Comment le vivre ? Professeur de philosophie, Laurence Devillairs explore dans un ouvrage les chemins d'un "bonheur sans mesure".




Quête du bonheur : y a-t-il une méthode pour être heureux ?
Y a-t-il une méthode pour être heureux ? Ou finalement le bonheur n'est-il qu'un rêve sans cesse inassouvi, un désir sans cesse frustré, une réalité qui ne finit pas de nous échapper ? C'est un peu à ces questions que répond Laurence Devillairs dans son dernier livre, "Un bonheur sans mesure" (Albin Michel).

Dans son ouvrage,  l'auteur nous invite à aller explorer les multiples chemins proposés par différents courant de pensée pour parvenir au bonheur.

Cette agrégée et docteur en philosophie apporte un éclairage pédagogique, mais aussi critique : elle montre comment ces différentes approches du bonheur peuvent nous laisser sur notre faim et propose souvent d'ouvrir une perspective plus haute ou plus profonde. 

Le bonheur n’est pas le bien-être

"Pendant longtemps, j’avais cru être inapte au bonheur, écrit-elle dès la première page de son livre, mais il existait à présent en abondance des manuels qui allaient m’aider à y remédier. Je suis donc allée chercher le programme qui semblait aussi efficace qu’une recette, aussi salutaire qu’un plan de remise en forme."

Qu’a donc trouvé notre professeur de philosophie ? A-t-elle enfin trouvé la voie du bonheur ? Elle reconnaît qu’elle a parfois pris du "plaisir" à lire ces ouvrages.
 
Le bonheur ne relève pas d'une méthode

"Mais le bonheur que [ce type d’ouvrages] proposent m’éreintent, reconnaît-elle, la pleine conscience me vide, l’instant présent me frustre"… Pour elle, il n’y a désormais point de doute, trouver le bonheur ne relève pas d’une méthode car "être heureux n’a rien d’un travail sur soi : ce n’est pas une attitude à adopter, une façon de voir les choses… Le bonheur n’est pas le bien être. "

Aspirer au bonheur est légitime

Au fil des pages, l’auteure mène donc l’investigation philosophique et existentielle sur la voie du bonheur. Elle pose d’emblée un diagnostic sévère : "Nous sommes entrés dans l'ère du bonheur obligatoire" : le bonheur, si je veux, quand je veux, ("où je veux", pourrions-nous ajouter ?) !

Pour un peu, nous serions devenus des "professionnels du bonheur" : ce qui était récréatif est entré, avec le temps, dans le domaine du labeur : il nous faut travailler à notre bonheur. Les sirènes du marketing nous l’enjoignent et les manuels de développement personnel en sont des avatars.
"Consentons à écouter cette voix"


Pourtant, aspirer au bonheur est légitime. A 20 ans, comme à 70 ans, ce désir est bon et ce n’est pas pour rien qu’il est ancré en nous. "N’écartons [donc] pas trop vite ce plus, cet idéal", alerte Laurence Devillairs.

Nous pourrions ajouter : n’écartons pas cet idéal de bonheur, surtout quand on est jeune et qu’on aspire à construire sa vie. "Consentons à écouter cette voix, qui ne cède pas facilement au compromis, nous dire que le bonheur ne se réduit pas aux choses que nous faisons, aux moyens que nous mettons en œuvre pour être bien, (aux études que nous poursuivons, pourrions-nous encore ajouter), mais qu’il est un superlatif, pas simplement une amélioration de l’ordinaire mais ce qui accomplit tous nos espoirs".

Etre heureux exige une révolution intérieure

Laurence Devillairs : "Le bonheur est comme une transfiguration".
Laurence Devillairs : "Le bonheur est comme une transfiguration".
Mais une fois qu’on a dit ça, reconnaissons-le : on n’a pas vraiment fait avancer les choses. Que faire, donc ? Doit-on être intransigeant sur notre idéal de bonheur ? Doit-on combattre tout ce qui viendrait altérer la pureté ou la densité de nos espoirs ?

Plus sagement écrit la philosophe, "le bonheur est comme une transfiguration, une sorte de re-création, l’avènement d’une réalité autre, qui ne se rajoute pas à ce qui est mais qui le transforme, de fond en comble".

Le bonheur relèverait donc d’une transformation intérieure, d’un mûrissement profond de la personne, d’une éclosion de l’unité corps-cœur-âme-esprit dans une symphonie joyeuse, pourrions-nous dire. En gros, une sorte de rénovation intérieure.

Pour Laurence Devillairs, "être heureux relève davantage du registre de la conversion, du changement total". Le bonheur est plus de l’ordre de la croissance intérieure, de l’élévation du cœur (et de l’âme ?) que de la réalisation de soi

Le bonheur est un aiguillon qui nous pousse

Quête du bonheur : y a-t-il une méthode pour être heureux ?
Quand on est jeune, c’est bien connu, on est sans concession sur notre soif d'absolu. Sur notre désir de bonheur, dirions-nous. Et c’est bien ainsi car cet idéal nous poussera toujours à désirer "plus grand", à voir "plus loin".

Or, il semble que ce soit dans cette soif, dans cette quête, que soit logé l'épanouissement de toute vocation humaine. Etre heureux relève en effet davantage de l’être que de l’avoir : c'est une question de plénitude de l’être plus que de l’avoir. Ne dit-on pas : "L'argent ne fait pas le bonheur" ?

Pour Laurence Devillairs, cette soif de bonheur, cet idéal "n'est pas l’exaspération de qui n'en a jamais assez, le rêve infondé de qui fuit la réalité. Mais grâce à lui, on ne se contente pas de "petits riens ".

Du rêve au bonheur : l’exemple de Jérémy (fictif mais parlant)
 
Un exemple tout bête (que ne renierait pas Laurence Devillairs) peut sans doute aider à mieux comprendre cela. Jérémy, un jeune particulièrement doué et amateur de football, souhaite s’améliorer sans cesse pour se surpasser. Il y est poussé par son entraîneur, et ses parents ne voient pas d’un mauvais œil ces prédispositions : ils souhaitent le meilleur pour leur fils.

Seulement, un beau jour, une grave blessure terrasse le champion en herbe. Diagnostic du médecin : son jeune patient ne pourra plus jouer aussi aisément qu’avant, les ligaments ont été trop touchés. Il se pourrait même que son agilité sur le terrain en soit définitivement entravée. Patatras ! Un monde s’écroule ! Adieu l’espoir de briller un jour sur les terrains et, pourquoi pas, de signer dans un club professionnel.

Heureusement, Jérémy peut compter sur un environnement familial porteur et des amis bienveillants qui l’entourent et grâce à qui il ne se morfond pas. Tout en souffrant bien sûr de ses espoirs brisés, le temps faisant son œuvre, il parvient à surmonter la déception. De sa blessure naît une maturité plus grande : certes, il voulait exceller sur les terrains, mais, finit-il par se dire, la vie est plus qu’un terrain. Elle le dépasse.

Alors qu’auparavant sa vie et son ambition se focalisaient uniquement sur ses performances sportives, désormais, il souhaite se consacrer aux malades, à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre sont blessés. Ce n’est plus techniquement et physiquement qu’il souhaite donner le meilleur de lui-même, mais humainement : aider et accompagner ceux qui souffrent, n’est-ce pas aussi bon et gratifiant que remporter un championnat ? Pour lui, à l’avenir, ses trophées seront tous les malades à qui il redonnera espoir. 

Le bonheur possible en dépit des difficultés ?

Quête du bonheur : y a-t-il une méthode pour être heureux ?
L’exemple (fictif) de Jérémy montre qu'il n'y a pas de vie sans difficultés. Mais que la vie ne se réduit pas non plus aux difficultés ou souffrances qui jalonnent tout parcours humain. Le bonheur de Jérémy sera d’aider désormais les personnes malades.

Ce bonheur advient en lui par un mûrissement nouveau, une lumière intérieure qui vient illuminer à nouveau son cœur et son esprit. C’est une r-évolution - qui s’opère à l’intérieur de Jérémy ou une conversion : au lieu de ne concevoir sa vie que sous l’angle forcément un peu rétréci d’un terrain de football, il s’ouvre à une amplitude nouvelle.

La vie peut-être très belle (voire plus belle) en devenant utile aux autres et plus seulement aux fans du ballon rond.

Accepter de voir plus loin que la blessure

Finalement,le bonheur, ce serait sans doute cela : progresser dans le bien plus de ce que nous sommes que de ce que l’on a. Jérémy avait un corps puissant et des pieds agiles. Mais c’est par son cœur généreux et sa compassion pour les malades qu’il va pouvoir devenir plus lui-même que s’il était resté uniquement milieu offensif d'une équipe de football.
 
C'est dans ce que nous sommes que peut advenir le meilleur de nous-même
et que s'offre la promesse du bonheur


C’est dans ce que nous sommes plus que dans ce que nous avons que peut advenir le meilleur de nous-même et que s’offre à nous la promesse de bonheur. Ainsi, que nous ayons 15 ou 25 ans, ou plus, le bonheur pourrait être de progresser en nous connaissant, en reconnaissant nos dons, nos qualités, nos talents. Mais aussi en acceptant nos limites, nos fragilités, nos manques.

Jérémy a été tenté de se révolter quand le médecin lui a livré son diagnostic. Mais grâce à l’aide de ses proches et sans doute à sa propre sagesse, il a accepté de voir plus loin que la blessure. En plus des qualités sportives, il se savait doué pour les matières scientifiques. Il se sentait aussi touché par ceux qui étaient en proie à la maladie ou au handicap.

Conscient de cela, et n'étant ni surhomme ni capable de retrouver ses pleines capacités en football, il a décidé en son for intérieur de devenir médecin.

Et ne pas rêver d'un bonheur sans heurts

Au fond et pour Laurence Devillairs, "à trop magnifier la vie et un bonheur sans heurts (le règne de la "positive attitude", NDLR), on risque de faire de nous des êtres désarmés face au réel, à ce qu’il contient inévitablement de décevant et d’éprouvant." 

Et de conclure : "Au milieu des fanfares et de cet empressement à nous réconforter, il revient peut-être à la philosophie de nous rappeler que tout n’est pas si simple, et de nous encourager à ne pas céder à un bonheur facile".

Alors, prêts à relever – humblement – le défi du bonheur ?


Joseph Vallançon

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