Reconstruire après une catastrophe : deux étudiants enquêtent autour du monde



Deux élèves ingénieurs de l'ESTP Paris, Félix Melou et Antoine Meuleman, ont profité d'une année de césure pour réaliser un grand voyage scientifique dans des pays touchés par les catastrophes naturelles. Comment reconstruire une ville détruite et comment mieux construire ? Les deux étudiants en BTP ont mené l'enquête durant sept mois.




Le centre de Port-au-Prince à Haïti en mai 2014 lors du passage d'Antoine et Félix.  Photo : Build Back Better
Le centre de Port-au-Prince à Haïti en mai 2014 lors du passage d'Antoine et Félix. Photo : Build Back Better
Ils ont baptisé leur projet "Build Back Better". De février à septembre 2014, Félix et Antoine ont parcouru une douzaine de pays en sept grandes étapes. Comme des centaines d'étudiants, ils ont voulu profiter de l'opportunité offerte par leur école de vivre une année de césure pour voyager. Mais pas n'importe où ni n'importe comment.

"Nous voulions faire quelque chose en lien avec nos études d'ingénieur en bâtiment et mener un projet par nous-mêmes, explique Félix. Nous avons pensé aller étudier les techniques de reconstruction et aussi de prévention des risques dans les pays frappés par les catastrophes naturelles". Tremblements de terre, inondations, tornades...

Pour fixer leur feuille de route, les deux étudiants contactent la Fondation de France : "Il fallait que la catastrophe ne soit pas trop lointaine, que les zones soient exposées aux risques naturels et qu'il y ait des actions de reconstruction intéressantes".

Un voyage à dimension technique mais aussi sociale et culturelle

Au final, ils étudieront cinq situations : Haïti frappée par un puissant séisme en 2010 ; le Pérou, dont certaines régions subissent des séismes à répétition ; la Malaisie, où Kuala Lumpur est fréquemment victime d’inondations ; le Chili, frappé par un tsunami il y a 4 ans ; enfin, les Etats-Unis où des tornades dévastent régulièrement l’Oklahoma et où Denver subit parfois les crues du Colorado.

"Le thème de notre voyage avait aussi une dimension sociale et culturelle, souligne Félix, car lorsqu'on reconstruit, il faut tenir compte de la culture locale.  En allant sur place, on découvre qu'il y a une foule de problématiques propres à chaque pays".
Reconstruire après une catastrophe : deux étudiants enquêtent autour du monde

Au Chili, la rencontre de professionnels passionnés par la reconstruction

Les découvertes commencent dès leur première étape, au Chili. Comme tous les non Chiliens, Félix et Antoine se souviennent à peine du séisme suivi d'un tsunami qui a frappé la région de Conception, le 27 février 2010.

Sur place, c'est autre chose. Le souvenir de ceux qui ont vécu la catastrophe les impressionne. On leur décrit une situation post-apocalyptique, une région coupée du reste du pays, des infrastructures détruites, une vie sans électricité, sans eau courante ni téléphone... Et la terreur des répliques. "Au-delà des dégâts matériels, c’est bien les dégâts psychologiques sur la population qui sont les plus long à effacer", découvrent-ils.

D'emblée, ils sont plongés au coeur de leur sujet : la reconstruction post-catastrophe mais aussi  la question de l'urgence. Comment porter secours aux sinistrés quand toutes les liaisons sont détruites ?

Reconstruire après une catastrophe : deux étudiants enquêtent autour du monde
Pour la reconstruction, ils sont frappés par la qualité du travail réalisé en l'espace de 4 ans. "Nous avions peu de contacts en arrivant, mais nous avons été impressionnés par le nombre d'acteurs impliqués. De plus, il semblerait que le travail réalisé et en cours de réalisation soit efficace, de qualité et apprécié de la plupart des Chiliens concernés".

Du point de vue professionnel, le Chili reste un de leurs meilleurs souvenirs. "Nous avons rencontré des gens passionnés par ce travail. Ils nous ont consacré beaucoup de temps comme le doyen de la faculté d'architecture et d'urbanisme à l'Université de BioBio qui a réalisé le plan de reconstruction des communes côtières affectées par le tsunami. En quatre ans, il a rebâti une ville entière, et cela en tenant compte des gens qui y vivent".


Ci-contre : devant un mur anti-tsunami construit le le long de la côte chilienne.
 

A Haïti, au Pérou, aux Etats-Unis

Changement de décor à Haïti. Là aussi, le séisme date de 2010. Mais pour la reconstruction, c'est autre chose. "Nous avons été choqués de voir encore tant de quartiers non reconstruits et toujours dévastés, raconte Félix. Dans certains quartiers, on a vu ce qu'est la misère. Pourtant, les ONG font ce qu'elles peuvent, mais le pays n'a pas d'Etat".

Rescapée du séisme en Haïti

Le 12 janvier 2010, Haïti est ravagée par un tremblement de terre de magnitude 7. On comptera 300 000 morts et plus de 300 000 blessés.
Une jeune volontaire française blessée lors du séisme nous a livré son témoignage : "Ma mission en Haïti restera gravée dans ma chair"

A l'université pontificale de Lima.
A l'université pontificale de Lima.
A chaque étape, c'est ainsi une nouvelle situation économique et sociale, de nouvelles questions. A Lima, au Pérou, où les deux étudiants passent deux semaines, l'urbanisation est faite de façon anarchique, les habitants installant leur maison n'importe où, sur des terrains sableux soumis aux risques d’éboulement et de glissement de terrains, alors que le risque sismique est très élevé !

Les étudiants s'intéressent aux techniques de construction anti-sismique : ils observent des maisons "en maçonnerie confinée", utilisant une technique de briques encadrées par une structure béton... hélas, le plus souvent, la qualité des briques ne correspond pas aux normes de sécurité. Dans les zones rurales, les maisons en adobe, c'est-à-dire en briques d'argile séchées au soleil et mélangés avec de la paille ne sont pas plus solides en cas de séisme.

Aux Etats-Unis, les inégalités sociales sont à prendre en compte dans la prévention des tornades...
 

Le virus de l'international

Rigole pour les inondations à Kuala Lumpur
Rigole pour les inondations à Kuala Lumpur
Les six mois de ce voyage de "journalisme technologique" ont donc été plus que passionnants : "En plus de l'intérêt des rencontres et du plaisir du voyage, cela nous a fait progresser de multiples façons", reconnaît Félix qui a repris comme Antoine sa dernière année d'études d'ingénieur. On a bien sûr progressé en langues, mais on a aussi appris à sélectionner des informations, à les synthétiser, et puis, surtout, cela nous a ouvert l'esprit."

Les recruteurs qui ont reçu Antoine ou Félix pour leur stage de fin d'études ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : "Ils nous ont beaucoup fait parler de ce voyage, cela les intéresse car c'est un projet qu'on remarque sur un CV".

Sur le plan des acquis, Félix reconnaît aussi avoir pris le virus de l'international. Il songe à l'exploration pétrolière tandis qu'Antoine, lui, a choisi un stage de fin d'études en Malaisie, sur l'île de Bornéo.

Quant au fruit du travail collecté lors du projet Build Back Better, il a débouché sur d'intéressantes synthèses mises en ligne sur la plateforme web du projet. (http://build-back-better.e-monsite.com) Avis à tous ceux qui souhaiteraient poursuivre les investigations dans un autre voyage ou se spécialiser dans la reconstruction post-catastrophe.

Un mastère spécialisé Urgentiste Bâtiment et Infrastructures

Depuis 2011 ans, l'ESTP (école d'ingénieurs parisienne spécialisée dans le BTP), propose une formation qui enseigne comment concevoir et piloter des projets de reconstruction : le mastère Spécialisé Urgentiste Bâtiment et Infrastructures (UBI).
Créé avec la Fondation des Architectes de l'urgence, ce mastère spécialisé rencontre un vif succès auprès des élèves-ingénieurs, souvent désireux de s’engager concrètement. Il est ouvert à des bac+5 de formations diverses.
Les enseignants-chercheurs de l'Institut de recherche en constructibilité, hébergé sur le campus de l’ESTP, à Cachan, font partie des intervenants.

Lire : L'ESTP ouvre un mastère spécialisé Urgentiste bâtiment et Infrastructures

Rédigé par le 9 Mars 2015

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