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Pierre-Marie, jeune dirigeant d'association : "Je me sens entièrement à ma place"




Après avoir multiplié les expériences à la suite d'un master en droit, Pierre-Marie Sève a fini par trouver sa place dans le monde professionnel associatif. Il témoigne de son bonheur de se sentir bien à sa place. Récit d'un itinéraire.



Ce n'était pas gagné d'avance mais il a fini par trouver sa voie. A 26 ans, Pierre-Marie Sève est délégué général de l'Institut pour la Justice.

Cette association de victimes et d’experts veut promouvoir "une justice plus protectrice des citoyens et plus équitable vis-à-vis des victimes" comme l'explique son site internet. Une belle mission, mais comment le jeune pro en est-il arrivé là ?

Des études de droit au départ linéaires

Tout a commencé par des études de droit pour Pierre-Marie. Après un baccalauréat économique et social obtenu au lycée français de Montréal (Canada) en juin 2011, il quitte ses parents et rejoint la France, son pays d’origine.

Le Franco-Canadien pose ses valises à Paris et entame une licence de droit à l'université Paris I Sorbonne et conjointement à l'université Toulouse entre septembre 2011 et juin 2015.
L’année suivante, il poursuit son droit en master 1 Justice et Procès à l'université Paris I Panthéon Sorbonne (juin 2016) qu’il complète d’un master 2 en droit de l'économie à l’université Paris X Nanterre qu’il obtient en juin 2017.

Insatisfait pas ses études, il cherche un travail qui ait du sens

Ce parcours apparaît linéaire et cohérent. "Pourtant, avoue Pierre-Marie aujourd’hui, pendant mes études de droit, je pressentais déjà que je ne travaillerais pas dans ce domaine"

Derrière un profil et un cursus très lisses, l’étudiant n’est pas satisfait en profondeur de ce qu’il étudie. A l’instar de beaucoup d'étudiants, il cherche un surcroît de sens dans son travail et pour son avenir. Il rêve plus grand que la seule matière juridique qui ne comble pas son besoin de servir.

Une courte expérience d'engagement politique

L'envie de s’engager le pousse alors vers le champ politique. Pierre-Marie saisit l’occasion d'y faire ses première armes lorsque, grâce à un professeur bienveillant, il peut effectuer son stage de master 2... comme directeur de campagne d’un candidat LR de Normandie, aux législatives de 2017.

L’expérience est courte (cinq mois) mais pleine d’enseignement : cette forme d’engagement politique lui semble un leurre. "Ça m’a dégouté, raconte-t-il. A l’issue, je me suis juré de ne plus faire de politique : c’est un milieu truffé d’égos, de méchanceté, d’hypocrisie, où il faut faire semblant en permanence pour se vendre."

Une expérience de consultant junior pour les collectivités locales

Pierre-Marie, jeune dirigeant d'association : "Je me sens entièrement à ma place"
Il reprend ses valises et les pose cette fois-ci à Lyon où il est embauché comme consultant junior dans un cabinet de conseil au secteur public (SPQR Conseil) : de septembre 2017 à avril 2018, il intervient pendant huit mois auprès des collectivités territoriales (principalement les départements et les mairies) pour donner des conseils en ressources humaines, en audit financier et surtout en gestion.

On lui propose un CDI au sein du cabinet de conseil... mais il décide de ne pas y faire suite. Pourquoi donc faire la fine-bouche ? N’est-ce pas un luxe de riche ?

En fait, Pierre-Marie sent qu’il pourrait s’épanouir davantage ailleurs. "J’avais en effet le sentiment diffus que ce boulot ne me correspondait pas vraiment ; un certain nombre de tâches étaient trop répétitives pour moi, explique-t-il. Comme bon nombre de jeunes de ma génération, je ne trouvais pas vraiment de sens dans ce job."
Retour à la case départ, donc.

Une période d'expérimentation tous azimuts

L’ex-consultant junior prend son baluchon, quitte Lyon et retrouve Paris. "Je me suis retrouvé dans un petit studio, se souvient l’ancien étudiant de Nanterre. J’avais alors beaucoup d’énergie mais sans savoir vers quoi orienter cette énergie et exercer mes compétences."

Heureusement, le nouveau parisien ne se laisse pas aller. "J’ai tenté beaucoup de choses tout en pratiquant à fond le sport pour me donner une discipline", assure notre interlocuteur. Le RSA lui assure le minimum vital. Mais il tente de compléter ses revenus pas d’autres biais. "J’avais la chance d’avoir un ami dans la même situation que moi, poursuit-il. On a fait feu de tout bois en nous intéressant à plein de choses, un peu dans une perspective entrepreneuriale".

 

E-commerçant, Youtubeur, guide touristique...

Les deux amis se lancent un court moment dans la vente de tasses sur Internet. De son côté, Pierre-Marie lance une newsletter culturelle qu’il envoie chaque semaine à une centaine de contacts mais qu’il finit par abandonner faute d’en tirer ressource.

Il crée aussi une chaîne You Tube où il propose des vidéos et des montages faits maison. Grâce à la plateforme de logement Airbnb, il trouve un filon plus porteur. Avec son compère, il propose sur la plateforme des « expériences » touristiques : "On faisait visiter le quartier du Marais à des gens qui y louaient un logement ce qui nous faisait gagner chacun près de 500€ par mois."
 
​"C’était une période intéressante mais difficile car on ne savait pas trop où on allait"


Quand son ami s’expatrie en Amérique du sud, Pierre-Marie lance avec lui une revue pour les Français de Colombie intitulée El Dia Frances (Le Jour français). Le site internet fonctionne pendant quelques mois. "C’était une période intéressante mais difficile car on ne savait pas trop où on allait" commente deux ans après l’ancien bénéficiaire du RSA.

Contre toute attente, le jeune Parisien va sortir de ce tunnel professionnel.

Recruté par l'association Stop au porno

En mai 2019, le film Mektoub, My Love : Intermezzo réalisé par Abdellatif Kechiche est présenté au festival de Cannes : c’est le scandale ! De nombreuses séquences pornographiques du film heurtent violemment les spectateurs. Pierre-Marie Sève découvre alors la voix d’une association qui s’insurge contre la violence pornographique du film : Stop au Porno.

Touché par l’objectif de l’association qu’il découvre à cette occasion et qui agit pour éviter l’emprise de la pornographie sur les jeunes de sa génération (et les moins jeunes), le jeune homme décide de lui proposer ses services pour y devenir bénévole. A l’été 2019, il obtient un rendez-vous.
 
Arrivé en short au rendez-vous, il réalise qu'il est en entretien d'embauche


"Je suis arrivé à l’entretien en short et en baskets car je pensais qu’il ne s’agissait que de bénévolat, se remémore le jeune homme. Finalement, je me suis retrouvé devant trois hommes en costume-cravate, une vice-présidente étonnée de me voir accoutré comme je l’étais. J’avais même fait la bise à l’une des femmes présentes, pensant qu’elle était bénévole et qu’on allait être collègue.

Finalement, au fur à et mesure de la discussion, j'ai fini par prendre conscience qu’il s’agissait d’un entretien d’embauche. L’échange s’est très bien passé d’autant que j’avais une réflexion assez poussée sur le phénomène de la pornographie de masse.
Par ailleurs, je lisais à cette époque un livre très intéressant, L’amour et l’Occident, de Denis de Rougemont, paru en 1939, qui analyse l’amour passion comme phénomène historique. J’avais ce livre à la main et comme la vice-présidente de Stop au Porno l’avait elle-même lu et apprécié, je pense que ça a joué aussi en ma faveur. Finalement, Stop au Porno m’a recruté comme délégué général."

Une issue d’autant plus surprenante que Pierre-Marie n’a alors que 25 ans.

Un engagement conscient et réfléchi

Quelle mouche a donc piqué l’ex consultant de SPQR Conseil pour œuvrer dans un domaine où le combat semble perdu d’avance ? Pourquoi devient-il salarié d’une association dont le but gêne sinon laisse indifférent la plupart des gens ?

Au-delà du défi à relever et de son besoin de retrouver un poste salarié, Pierre-Marie Sève est convaincu du bien-fondé de l’association. Lui-même sait bien, pour avoir fait "pas mal de drague de rue" quand il était étudiant, que les hommes n’ont pas toujours un comportement très sain vis-à-vis des femmes.
 
​"Dans la sexualité, nous avons besoin de laisser place au mystère"

"J’ai fini par réaliser que l’amour et la sexualité ne se vivaient pas comme nous, les hommes, on en a envie, c’est-à-dire de façon brute. J’ai pris conscience que nous avons besoin de laisser place au mystère. J’ai même fini par réaliser que ce qui me plaisait tant dans l’amour et chez les jeunes femmes, c’est précisément qu’elles n’étaient pas moi mais une Autre. A mes yeux, la pornographie et la nudité dans l’espace public favorisent l’aspect brut de l’amour au lieu d’en mettre en valeur la beauté et le mystère."

Tel David contre Goliath, le jeune délégué général va ainsi mener sa mission en alertant ses concitoyens et les élus sur les risques et les méfaits de la pornographie de masse. Il y reste un an, le temps d’un CDD, avant de rejoindre l’Institut pour la Justice, une autre association.

Sept salariés sous sa responsabilité

"J’ai rejoint l’Institut pour la Justice parce que cette association a un champ d’action plus large que Stop au Porno, explique celui qui en est devenu le délégué général en septembre 2020. La pornographie, c’est finalement un sujet assez circonscrit."

D’ailleurs, à 26 ans, Pierre-Marie est par la même occasion devenu responsable de sept salariés, une chose finalement rare à son âge. Il découvre le management auquel il n’a pas vraiment été préparé (il reçoit les conseils avisés d’un aîné pour cela), continue son travail de veille et de lobbying auprès des élus, agit sur la communication de l’association…
 
"Toutes les expériences que j'ai eues m'ont permis de gagner des compétences"

"Finalement, note-t-il, toutes les petites expériences que j’ai eues par le passé m’ont permis de gagner des compétences qui me servent aujourd’hui." Comme quoi, rien n’est jamais perdu, il faut savoir capitaliser toutes les activités même courtes ou non-rémunérés que l’on a exercées.

Aujourd’hui, le jeune homme semble avoir trouvé sa voie. Il y est même heureux : "Ce travail me plaît beaucoup et je me sens entièrement à ma place. C’est un sentiment particulièrement agréable", témoigne-t-il. Une chose rare à notre époque où ceux qui cherchent un métier intéressant dans lequel ils se sentent bien sont très nombreux.

Un engagement personnel à l’horizon

Installé professionnellement, Pierre-Marie n’en reste pas là. Il va même bientôt rejoindre la cour des gens mariés. Encore un engagement décisif qui en ferait presque un singulier personnage à une époque où l’âge moyen des hommes qui se marient frôle les 40 ans.

Alors, tête-brulée ou cœur romantique, Pierre-Marie ? Ni l’un ni l’autre sans doute. Au fond, il est comme tout le monde. Avec cette différence qu’il ne souhaite pas faire du surplace.

D’ailleurs, avoue-t-il, le mariage, "ça fait peur à tout le monde y compris à moi. On ne peut jamais être certain de son choix à 100%. On ne doit pas attendre de celui ou celle qui partagera notre vie d’être irréprochable sur tous les points. Moi, j’ai choisi ma fiancée parce que les aspects fondamentaux d’une relation saine étaient présents : une maturité affective, un projet commun, et bien sûr un plaisir d’être ensemble au quotidien."

On dit que l’amour donne des ailes. Un travail épanouissant aussi ?

Joseph Vallançon


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