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Leur tour du monde des énergies


Elles viennent de boucler un tour du monde de 7 mois dans 17 pays. Passionnées par les enjeux énergétiques et tout juste diplômées de leur école d'ingénieur, Blandine Antoine et Elodie Renaud ont voulu mener une véritable enquête planétaire sur les solutions apportées au réchauffement climatique et à l'épuisement des énergies fossiles. Biocarburants, capteurs solaires, piles à hydrogène, éoliennes... Rien de tel qu'un vrai voyage pour découvrir que les technologies mises au point en laboratoire ne sont pas forcément adaptées à tous les terrains. Mais que partout, on trouve des solutions ! De la Zambie au Pakistan, de la Norvège au Brésil, elles rapportent une moisson de photos, de rencontres et de découvertes riche d'enseignements scientifiques, économiques et humains. Rencontre à l'occasion de la parution de leur livre aux éditions Jean-Claude Lattès (Notre Tour du monde des énergies).




Pourquoi ce tour du monde alors que vous sortiez de votre école d'ingénieur, et pourquoi ce thème des énergies ?

Blandine Antoine (à g.), Elodie Renaud (à dr.)
Blandine Antoine (à g.), Elodie Renaud (à dr.)
Blandine : D'abord, toutes les deux nous aimions les voyages : nous avions fait la plupart de nos stages à l'étranger. Ensuite, nous étions encore jeunes et préférions, avant de postuler directement à un emploi, prendre le temps d’un tour d’horizon du domaine technique qui nous intéressait, une sorte d’apprentissage sur les différents terrains où il s’incarnait. Mais surtout, la question de l'énergie nous passionnait. Depuis la terminale, j'y avais consacré tous mes exposés. Je me suis rendu compte que c'est un problème qui a énormément d'enjeux : il y a l'aspect économique car sans énergie, il n'y a pas de développement possible, le challenge technique car les énergies fossiles s'épuisent, la question environnementale du réchauffement climatique et des pollutions, la question sociale et éthique de l'accès à l'énergie. Le tout sur fond de problèmes géo-politiques et éthiques...
Elodie : Le secteur de l’énergie m’intéresse également par son interdisciplinarité : elle est au centre de nombreuses problématiques ! J’ai pu faire une année de césure au milieu de mes études d'ingénieur à Moscou pour EDF. Tandis que Blandine s’est spécialisée dans le nucléaire, j’ai choisi pour ma part de m’intéresser à l’économie et l’ingénierie du gaz et du pétrole.

Sur le plan scientifique, que vous a apporté ce tour du monde ? Quelles découvertes ?

Leur tour du monde des énergies
Blandine et Elodie : Cela nous a permis de sortir d'un savoir académique et de découvrir ce qui se faisait sur le terrain. Nous avons pu faire plus de 200 rencontres, de spécialistes, de scientifiques, de personnalités exceptionnelles, mais aussi visiter énormément de réalisations concrètes très diverses : des projets d'électrification rurale dans des pays en voie de développement, de la réinjection de gaz sur des plateformes pétrolières, des expériences consistant à capter le CO2 et le séquestrer pour faire d‘une centrale thermique au charbon une centrale à "charbon propre", etc.

Alors selon vous, quelle est la bonne source d'énergie pour la planète ?

Leur tour du monde des énergies
Blandine : Ce qui nous est apparu c'est qu'il n'y a pas qu'une réponse mais plusieurs réponses. D'abord on peut coupler des sources d'énergie : par exemple en Norvège, sur la petite île d'Utsira, nous avons visité un projet qui mêle l'éolien et l'hydrogène. Et puis pour qu'un projet marche, il faut bien étudier le contexte, identifier les obstacles, et ensuite trouver les solutions qui vont convenir aux gens qui devront les utiliser et les entretenir. En Zambie, nous avons eu la surprise de rencontrer une Hollandaise qui arrive à vendre à des gens très pauvres des panneaux solaires relativement chers. Elle nous a expliqué que les gens lui achetaient ces panneaux non pour s'éclairer mais pour communiquer (recharger un téléphone portable, écouter la radio, regarder la télévision) ce qui est beaucoup plus important pour eux. Les organismes internationaux ne tiennent pas assez compte des besoins réels : ils financent par exemple des fours solaires qui ne sont pas utilisés car les femmes n'aiment pas cuisiner à l'extérieur aux yeux de tous. Il faut vraiment étudier le contexte et identifier les obstacles.

Devant des éoliennes à Ste-Suzanne (île de la Réunion)
Devant des éoliennes à Ste-Suzanne (île de la Réunion)
Elodie: Il est clair qu'on ne pourra pas passer d'emblée au tout renouvelable (énergie solaire, éolienne, marémotrice...) dans l’immédiat, même si l’on peut en rêver d’un point de vue environnemental. Il ne faut donc rien exclure : les biocarburants, la séquestration de CO2, le nucléaire... ... et adapter la réponse au contexte local : à la Réunion par exemple, des éoliennes bipales ont été conçues pour être treuillées et couchées en cas de cyclone. A chaque environnement, sa solution !
Blandine : Nous étions parties en voulant faire le tour des grandes innovations high tech mais une de nos découvertes également, c'est qu'il y a un potentiel énorme à gagner tout simplement dans les économies d'énergies, notamment dans les pays émergents. Là nous avons découvert un grand nombre de petites astuces finalement aussi utiles que des technologies high tech.

Pourquoi dans les pays émergents spécialement ?

A Hong Kong, dans le système de climatisation d'un gratte-ciel
A Hong Kong, dans le système de climatisation d'un gratte-ciel
Blandine et Elodie : Ce sont des pays, l'Inde, la Chine, le Brésil, où il y a beaucoup d'industries qui utilisent souvent des vieilles machines très polluantes. A Pékin, la pollution de l'air est telle qu'on ne voit pas le soleil. En Inde, nous avons visité une usine textile qui utilisait des machines centenaires. Quand le fil cassait, les machines continuaient à tourner. Le patron a eu l'idée d'installer un interrupteur qui bloque la machine quand le fil casse. Cela a procuré 30% d'économies d'énergie.
A Hong Kong, le gouvernement a créé un concours pour les institutions publiques qui feraient les plus grosses économies d'énergie. Or les climatiseurs représentent là-bas une grosse dépense énergétique, mais on les utilise davantage pour évacuer l'humidité que la chaleur. Une université a eu l'idée d'installer des déshumidificateurs d'air plutôt que des clims et elle a gagné le concours.

Quelles autres découvertes avez-vous faites ?

Au Brésil : canne à sucre pour l'éthanol
Au Brésil : canne à sucre pour l'éthanol
Blandine et Elodie : Nous avons changé notre regard sur les biocarburants. En Europe, on les présente surtout comme des carburants moins polluants, or au Brésil ou en Zambie, ils apportent surtout une solution sociale. En Zambie, un des pays les plus pauvres du monde, les paysans peuvent produire eux-mêmes leur carburant avec l'huile de palme, ce qui leur fournit une source de revenu et les rend indépendants au plan énergétique.
Au Brésil, on utilise l'éthanol à grande échelle depuis les années 80. Il est fabriqué à partir du jus de canne à sucre. Au départ les moteurs fonctionnaient uniquement à l'éthanol et l'inconvénient, c'est que lorsque les prix du sucre augmentent, les producteurs préfèrent utiliser le jus de canne pour faire du sucre et non de l’éthanol : c’est la loi de l’arbitrage économique ! C’est ce qui s’est passé à la fin des années 80 : il y a eu une pénurie d’éthanol, les gens se sont retrouvés sans carburant pour leurs voitures. Aujourd'hui on a inventé le moteur Flexfuel qui peut tourner avec n’importe quel mélange d’éthanol et d'essence. L’éthanol fait à partir de canne à sucre, par rapport au maïs ou à la betterave, a un rendement énergétique impressionnant puisqu'il génère huit fois plus d'énergie que celle qui a permis de le fabriquer.


Comment avez-vous financé votre voyage ?

A la Réunion, avec la classe de CM2 de l'école de l'Ancien Théâtre de St-Denis
A la Réunion, avec la classe de CM2 de l'école de l'Ancien Théâtre de St-Denis
Blandine et Elodie : Nous avons pu obtenir plusieurs bourses. Certaines publiques, comme le concours Défi Jeunes du dispositif national Envie d'Agir du ministère de la Jeunesse et des Sports ou le Programme Européen Jeunesse en Action de la Commission Européenne (prendre contact avec les Directions Régionales de la Jeunesse et des Sports), et d'autres privées, décernées par des fondations. Par exemple nous avons eu le 1er prix ex aequo du Concours Initiatives pour le Développement Durable, section « Culture et Communication », de la Fondation BMW, et également le prix de la Bourse Tremplin 2006 de McKinsey & Company. Total nous a également accordé un important soutien financier et logistique. Nous avons aussi obtenu des aides de nos anciennes écoles d'ingénieurs, de la ville de Saint-Germain-en-laye, de Rueil Malmaison, du Conseil Régional de la Réunion. Cela nous a permis de réunir 65 000 euros, utilisés tant pour le voyage que pour la matérialisation du partenariat pédagogique que nous avions monté avec 7 classes d’écoles primaires.

Aujourd'hui, comment le projet se poursuit-il ?

Leur tour du monde des énergies
Blandine et Elodie : Nous sommes en train d'écrire un livre Notre Tour du monde des énergies qui paraîtra au printemps 2008 chez Jean-Claude Lattès. Il doit s'adresser au grand public de 15 à 99 ans pour vulgariser tout ce que nous avons découvert !
Pendant le Tour des énergies, nous avions aussi fait un kit de fiches pédagogiques pour enfants qui a été utilisé dans sept écoles primaires françaises dans le monde. Aujourd'hui on cherche à l'améliorer et à le diffuser dans les réseaux de l'Education nationale. Depuis 2004, le développement durable figure théoriquement au programme des écoles primaires mais les instituteurs manquent d'outils : nous sommes preneuses de toutes les bonnes volontés - des étudiants d'IUFM, des instituteurs - qui pourraient nous aider à développer le kit (téléchargeable sur le site de l'association Prométhée.

Et demain ? Souhaitez-vous travailler dans le domaine des énergies ?

Dans une voiturette électrique, en Inde
Dans une voiturette électrique, en Inde
Blandine et Elodie : Pendant le voyage, nous avions imaginé développer plusieurs projets, l'un dans le domaine de l'habitat, pour aider les particuliers à rénover leurs maisons suivant des critères de confort et de développement durable, l'autre pour inventer la "GES-tiquette" : l'idée était de mettre au point des "étiquettes gaz à effet de serre" qui permettraient d'indiquer pour chaque produit le taux de gaz à effet de serre émis dans le cycle de vie du produit. Mais ce sera pour plus tard peut être !
Blandine : Personnellement, je vais faire une thèse sur les politiques de biocarburants. Est-ce que cela pourrait fournir des revenus supplémentaires aux agriculteurs des pays en voie de développement, permettre de créer de nouveaux marchés agricoles ? Je vais creuser ces questions.
Elodie : Quant à moi je finalise ma recherche d'emploi, dans le secteur énergétique bien sûr ! Je vise l'une des grandes entreprises du secteur : Total, Veolia, Suez, GDF, etc. Notre expérience du Tour des Energies intéresse les entreprises : elle est perçue comme une première gestion de projet !

Quels conseils d'orientation donneriez-vous à ceux qui voudraient travailler dans ces secteurs ?

Leur tour du monde des énergies
Blandine : Il existe pas mal de nouveaux masters autour de l'environnement et du développement durable, mais je conseillerais plutôt de viser des filières très techniques qui donnent une expertise assez pointue que ce soit dans les sciences de l’ingénieur, dans les sciences dures, ou en finances. Il me semble que le temps des études est fait pour acquérir cette expertise, et l'on a bien le temps ensuite d'élargir ses horizons... par exemple en voyageant !

Pour aller plus loin :
Notre Tour du monde des énergies, par Blandine Antoire et Elodie Renaud, aux éditions Jean-Claude Lattès.



Rédigé par le 15 Janvier 2008

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