Nouvelles mesures pour "réconcilier" les élèves avec les mathématiques

Ce n'est pas une surprise, puisque depuis la réforme du lycée amorcée en 2019, de plus en plus de voix s'élevaient pour dénoncer le fait que les maths ne fassent plus partie du tronc commun d'enseignements à partir de la classe de première générale.

Pour les élèves ne choisissant pas la spécialité "mathématiques" (environ 1 élève sur 3 !) une option de 1 heure 30 de maths a donc été rajoutée en catastrophe à la rentrée 2022, mais elle était facultative. et moins de 10% des élèves à qui elle était proposée l'ont choisie, signe d'un rejet clair de la discipline.

A la rentrée de septembre 2023, cette option devient donc obligatoire (pour ceux qui ne prennent pas les mathématiques en spécialité), à l'égal du français ou de l'anglais.

 

L'objectif est d'éviter que le niveau de milliers d'élèves en maths ne baisse trop, alors que la part des sciences dans notre société ne cesse de croître. L'option doit permettre de rejoindre éventuellement en terminale la spécialité "maths complémentaires". Jusqu'à présent celle-ci concernait uniquement les élèves ayant choisi la spécialité maths en première, mais souhaitant l'arrêter en terminale tout en gardant un bagage minimal pour aborder par exemple des études de gestion. Désormais il sera possible de suivre cette spécialité en terminale même si l'on n'a pas choisi la spécialité maths en première.

Les mathématiques peuvent aussi contribuer grandement à la formation de la pensée rationnelle, et des capacités de raisonnement logique, quand bien même tous les individus ne choisissent pas de métier scientifique. On constate par exemple que les étudiants en droit ayant fait des maths au lycée (ex série S ou spécialités maths) réussissent mieux leurs études que les autres.

Mais suffit-il de rajouter des heures et de rendre la discipline obligatoire pour tous - soit en spécialité, soit en tronc commun - pour que les compétences de base attendues d'un bachelier soient acquises ? 
Pas sûr si l'on observe la chute régulière des élèves français en maths dans les classements PISA et TIMSS réalisés en fin de CM2 et de 4ème. 

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Plusieurs des mesures annoncées par le ministère en cette année 2022-2023 visent donc à "réconcilier" les élèves avec les mathématiques, ce qui revient à admettre le désamour de nombre d'entre eux pour la discipline.

Ainsi, au lycée, un module de réconciliation avec les mathématiques doit être mis en place en classe de seconde en septembre 2023, et cela dans tous les lycées généraux et technologiques, mais aussi les lycées professionnels.

On ignore encore quel en seront le contenu et les méthodes.

 

Au niveau du collège, le ministère annonce qu'il va encourager la création dans chaque collège d’un club de maths à partir de la rentrée 2023 "pour cultiver le goût pour les mathématiques et le plaisir d’en faire". Une excellente idée vu le succès de toutes les initiatives basées sur les jeux mathématiques qui permettent de faire des maths autrement, c'est-à-dire de façon ludique et engagée. 

Des groupes à effectifs réduits sont aussi prévus en classe de 6e en mathématiques, tant "pour soutenir les élèves qui en auraient besoin que pour stimuler les élèves les plus avancés".

Enfin un cadre national de compétences en mathématiques (CNCM) va être lancé, sur le modèle du cadre européen de référence pour les langues (CECRL) : cela permettra de certifier le niveau atteint par chaque élève en fin de 3e.... et aussi de lui donner des repères objectifs pour mesurer ses progrès.
 

On retrouve derrière ces mesures des propositions faites depuis plusieurs années par divers spécialistes, comme les 21 mesures préconisées par Cédric Villani et Charles Torossian dans un rapport remis en 2018.

Celle consistant à muscler la formation en mathématiques des professeurs des écoles a déjà été lancée et Pape Ndiaye a annoncé la poursuite de ce plan de formation : 30% des enseignants du premier degré ont déjà suivi une formation en maths et la totalité sera formée d'ici 2026.

Reste cependant la question cruciale du manque d'enseignants en mathématiques en France, et du peu d'attractivité du métier, questions soulevées à maintes reprises par les syndicats enseignants et encore laissées sans réponse.

Les mesures annoncées visent aussi à booster les meilleurs élèves en maths et à enrichir le vivier de futurs étudiants scientifiques. Pour cela, il faut notamment éviter la fuite d'un certain nombre de lycéennes. La réforme du lycée avec son système "à la carte" a semble-t-il fait baisser la part des filles dans les spécialités ouvrant sur des études supérieures scientifiques.

D'où l'objectif du ministère "d’atteindre d’ici 2027 la parité filles-garçons dans les spécialités mathématiques, physique-chimie et mathématiques expertes (les filles sont majoritaires en SVT), et de tendre vers la parité pour les autres enseignements comme les Sciences de l’ingénieur et "Numérique et sciences informatiques" (NSI)."

Des objectifs chiffrés d'orientation doivent être fixés et la stratégie pour les atteindre doit se décliner dans chaque académie.

 

Des Assises de mathématiques organisées du 14 au 16 novembre 2022 au CNRS ont présenté tous les enjeux de cette perte d'attractivité des maths à l'école et dans la société en général.

Non seulement les mathématiques sont "vitales" pour faire avancer la recherche scientifique, alimenter l'innovation technologique et donc protéger la souveraineté de la France, ont expliqué les experts réunis à la Maison de l'Unesco à Paris.

"Les maths ont un impact direct sur 13% des emplois"

Mais elles vont constituer un prérequis dans de plus en plus d'emplois liés à l'intelligence artificielle, à l'analyse statistique de données, à la programmation informatique ou à la modélisation. Selon l'étude 2022 sur l’impact économique des mathématiques en France, "les mathématiques ont un impact direct sur 13% des emplois salariés en France, soit 3,3 millions d’emplois en 2019, en progression de 1,1 point depuis 2012",  

Les défis sont donc immenses, et il va falloir conjuguer les talents  à la fois dans l'Education nationale et en dehors pour les relever.

Le ministre de l'Education nationale a annoncé avoir confié la mission d’"ambassadeur" à Hugo Duninil-Copin, mathématicien de 37 ans qui a reçu en juillet 2022 la médaille Fields, récompense de très haut niveau en mathématiques.

Hugo Duminil-Copin est chargé de "porter, auprès de la jeunesse, un message positif sur les mathématiques et les rendre plus attractives". 

"Quelles que soient les réformes, on n'arrivera pas à changer les choses si la vision des mathématiques ne change pas dans la société", a-t-il déclaré.