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Jeux d’argent : derrière le game, la fabrique d'une addiction


Tags : addiction, argent

L’industrie des jeux d’argent agite l'illusion du gain facile et du jackpot pour attirer de plus de plus de jeunes dans sa toile. Mais un chercheur dénonce la "fabrique" d'une véritable addiction. Alors, méfie-toi du game !




Le design de nombreux jeux tend à banaliser et déréaliser l'argent © Darya Sannikova / Pexels
Le design de nombreux jeux tend à banaliser et déréaliser l'argent © Darya Sannikova / Pexels
"Une offensive sans précédent est à l’œuvre dans une indifférence pour l’instant à peu près totale. Cet assaut est mené par l’industrie du jeu pour convertir massivement la jeunesse aux jeux d’argent", alerte Thomas Amadieu dans son livre "La fabrique de l’addiction aux jeux d’argent", paru en novembre 2021 aux éditions du Bord de l’eau.

Inquiétude fébrile d’un enseignant connaissant bien les fragilités des étudiants, ou alerte réaliste devant les machineries d’une industrie en pleine expansion ?

Le fait est que l'activité des opérateurs ne cesse d'augmenter, notamment depuis l'autorisation en France des paris en ligne en 2010. Or leurs gains reposent directement sur les mises - et les pertes - des joueurs. 

Une industrie prédatrice qui pousse à miser... encore

Jeux d’argent : derrière le game, la fabrique d'une addiction
Tout l'intérêt de l'ouvrage de Thomas Amadieu - sociologue et enseignant-chercheur à l'ESSCA -  est de décrypter les stratégies des opérateurs pour attirer toujours plus de joueurs, ou les pousser à miser davantage, ou plus fréquemment.

Le premier procédé, explique-t-il, exploite notre difficulté à nous représenter les probabilités et les grands nombres. Le joueur n'a par exemple qu'une chance sur 140 millions de gagner à l'Euromillions (!) et cela devrait doucher ses espérances.

Mais les opérateurs ont l'art de mettre en avant les "grands gagnants" pour vendre du rêve. Les classes populaires et tous ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois sont clairement visés par un storytelling sur-mesure.

Les jeunes, cibles de choix des vendeurs de rêve

Autre cible de choix, les jeunes. "Dans leurs publicités, les jeux utilisent tous les codes de langage et le visuel des banlieues, fait remarquer le sociologue. L'idée que l'on va battre le système, piquer le magot ou faire un hold-up en jouant est aussi très utilisée". 

Certains jeux, comme le PMU ou les paris sportifs font aussi miroiter l'idée que l'on pourrait devenir "expert" ou obtenir des tuyaux en recourant à des "pronostiqueurs". 

Enfin, les communicants payent aussi des sportifs, influenceurs ou rappeurs  pour relayer leurs messages sur les plateformes Instagram, Snapchat, TikTok ou Twitch fréquentées massivement par les adolescents. Et cela alors que les jeux d'argent sont interdits par la loi aux moins de 18 ans.

Vidéo : Dans l'émission Interdit d'interdire, Thomas Amadieu dévoile ces stratégies :


Qui joue ? Des jeunes garçons qui commencent de plus en plus tôt

Le fait est que de plus en plus de jeunes sont attirés par les sirènes marketing de l’industrie des jeux d’argent, notamment les jeunes hommes des milieux populaires et des quartiers.

Dans une enquête réalisée en 2017 par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 39% des jeunes de 17 ans disent avoir joué à un jeu d’argent et de hasard au moins une fois dans l’année. Et un sur dix y a joué au moins une fois par semaine.

En 2020, 1 collégien de troisième sur 4 a déjà joué dans l'année

Les garçons pratiquent davantage que les filles : 47% disent avoir joué dans l'année, un chiffre qui grossit avec le temps du fait de la croissance des jeux en ligne. De fait, 24% des garçons déclarent avoir joué sur Internet dans l’année (contre 18 % en 2011).

En 2020, une autre enquête révèle cette fois que 25% des collégiens de troisième ont joué à un jeu d'argent ou de hasard dans l’année, 9% dans le mois, et 3% la semaine... On commence donc à jouer de plus en plus jeune. En toute illégalité.

Le jeu d’argent : un exutoire à l'ennui des confinements

En 2020 et 2021, les confinements dus à l’épidémie de Covid en 2020 et 2021 en ont encore "rajouté une couche".

Enfermés, isolés, certains jeunes se sont réfugiés dans les jeux de hasard. "Remède à l’ennui et au manque de vie sociale" ou "palliatif au stress et à l’anxiété" selon les propres mots de Thomas Amadieu, les jeux d’argent ont été chez certains un exutoire.

Quand on est privé de liberté de sortie - et rivé à son écran pour travailler ou étudier - on se défoule comme on peut : le jeu permet de s’évader en un clic d’un quotidien morose. Les promesses de gain ont aussi pu séduire ceux qui se sont trouvés brutalement privés de jobs, en grande difficulté financière.

Un risque d’enfermement et d’addiction

Tout est dit dans ce slogan car celui qui "bascule" peut tomber et avoir du mal à se relever...
Tout est dit dans ce slogan car celui qui "bascule" peut tomber et avoir du mal à se relever...
Or cette consommation de jeux d'argent n'est pas sans risque. L'Autorité nationale des jeux (ANJ) qui encadre en France cette industrie estime qu'en 2020 il y a 1,4 million de joueurs "à risque", dont près de 400 000 de niveau pathologique.

Certains joueurs peuvent en effet tomber dans une véritable addiction dont ils ne parviennent plus à  sortir seuls : appâtés par une phase de gain, ils misent de plus en plus souvent et de plus en plus pour renouveler le plaisir du gain.

Ils commencent alors à perdre, mais au lieu d'arrêter, ils continuent à jouer en espérant "se refaire". Le jeu devient une obsession. un piège qui peut conduire à s'isoler, à mentir à sa famille, à dilapider toutes ses économies, à sombrer dans l'auto-destruction (jusqu'au suicide) ou à la violence.

J'ai honte de moi

Un étudiant raconte sur le forum de www.joueurs-info-service.fr   avoir commencé à 20 ans en se laissant tenter par les pub des VIP des paris sportifs qui vendent leurs pronostics :

"Au début tout allait bien, je misais des sommes raisonnables : 10€ par ci, 15€ par là. Je gagnais, je perdais. C'était aléatoire. Le problème, c'était plutôt la fréquence de mes paris : je jouais tous les jours . Et depuis 2017, je joue tous les jours. Je perçois depuis 2018 une bourse de 500€ et je dépense tout cet argent dans les paris sportifs.
vous ne pouvez pas savoir à quel point j'ai honte de moi, de ce que j'ai fait..."

Comment éviter de basculer ?

Les spécialistes de l'addiction décrivent précisément les "signes inquiétants" qui peuvent vous alerter.

Etes-vous capable de vous arrêter ? Jouez-vous fréquemment plus d'argent que prévu ? Plus longtemps que prévu ? Etes-vous arrivé à la transgression, c'est-à-dire au mensonge, ou au cumul de dettes pour parier, etc. ? Le jeu a-t-il pris une place centrale dans votre vie ?

Se poser honnêtement ces questions, et y répondre sans se mentir peut déjà permettre une prise de conscience.

Comment s'en sortir ?

On peut en effet en sortir de diverses façons. "Pour garder le contrôle, le jeu ne doit pas être votre seul centre d’intérêt.", conseille l'excellent site de prévention joueurs-info-service.fr

On peut par exemple :
 
  • S’aérer, faire du sport, débuter un nouveau loisir (si possible loin des écrans), se promener en pleine nature, oser la rencontre avec des gens différents, faire des activités concrètes ou manuelles qui concentrent l’esprit, se rendre utiles (par exemple dans une association => SORTIR DE SOI ! Cela permet de prendre conscience que l’on est capable de faire du bien et que l’on n’est pas réduit à son addiction. Bref, qu’on est une personne « plus belle » qu’on ne l’imagine.
     
  • ​Se fixer des limites : si vous n'êtes pas encore addict, veillez à actionner les dispositifs préventifs proposés par les jeux ; fixez-vous un budget à ne pas dépasser ; une fréquence de jeu ; notez vos dépenses et vos gains pour rester en vérité, ne gardez pas votre carte bancaire à portée de mains, etc.
     
  • Stopper complètement : si vous avez déjà tendance à abuser, c'est le seul moyen de reprendre le contrôle de votre vie. Vous pouvez demander volontairement à être interdit de jeux (dans les casinos et les jeux en ligne) en contactant interdictiondejeu.anf.fr
    Il vous faut pour cela accepter de renoncer complètement aux sommes perdues : une perte qui peut aussi être une libération !
    Stoppez aussi si vous avez moins de 18 ans car vous êtes dans l'illégalité et vous risquez d'être entraîné peu à peu dans un processus d'addiction.
 
  • Se faire aider, en parler : Sortez de la honte, ouvrez-vous. Souvent, c’est en osant se confier à une personne proche ou digne de confiance que l’on peut reprendre le contrôle. Vous pouvez aussi échanger sur des forums avec des personnes qui ont le même problème.
    Enfin, on peut rencontrer une assistante sociale pour régler ses problèmes d'argent, trouver de l'aide dans un Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) ou rencontrer un psychologue qui aidera à mieux se comprendre.

Et toujours mieux se connaître

En effet, nous n'avons pas tous les mêmes fragilités, et certains, de par leur histoire et leur personnalité, peuvent tomber plus facilement dans une addiction aux jeux d'argent, comme l'explique cette psychologue clinicienne​ :

Alors, dans quelle situation êtes-vous ? Avez-vous un goût particulier pour certains jeux d'argent ? Un besoin de contrôle ou de sensations fortes ? Le désir d'une revanche sur une série d'échecs ? Besoin de fuir une déprime latente qui plane sur vos jours et vos nuits ?

Se poser ces questions et prendre le temps d'en discuter avec quelqu'un peut être au final une démarche salutaire : en vous comprenant mieux, vous apprenez à mieux vous connaître. Vous découvrez les failles et les envies qui vous habitent, vos points forts et vos vieux démons. Et ce qui vous fait (ou pas) vraiment du bien.

Le début de la maturité en somme.

Mardi 1 Mars 2022
Joseph Vallançon

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