Etudiant cherche chambre chez personne âgée : le logement intergénérationnel en plein boom



La cohabitation intergénérationnelle séduit de plus en plus d'étudiants. Pour ne pas vivre seul et éviter un loyer ruineux, des associations et même des startups sociales proposent une chambre chez un senior. Un vrai partage gagnant-gagnant.




Etudiant cherche chambre chez personne âgée : le logement intergénérationnel en plein boom
Comme bien des étudiants, Philippe devait trouver un logement sur Bordeaux pour entamer dans de bonnes conditions ses études de médecine. Pas question d'habiter chez ses parents à 75 km de là. Mais les loyers sont bien chers dans la belle cité aquitaine. "Et je n'avais pas droit à la bourse du Crous", explique-t-il.

L'étudiant entend alors parler de l'association bordelaise "Vivre Avec", spécialiste du logement solidaire entre générations. Il présente un dossier, échange avec les membres de l'association, et emménage à la rentrée chez Monsieur G., veuf depuis peu :

"Ma présence avait pour but de le rassurer la nuit comme le jour, de lui parler et le faire parler, et de partager régulièrement des moments de la journée comme les repas, témoigne-t-il sur le site de l'association Vivre Avec. En échange de quoi M. G. m'offrait un hébergement pour une somme, disons-le, dérisoire par rapport au marché de la location sur Bordeaux".

Les seniors ont besoin d'une présence, les étudiants d'une chambre

Né en Espagne, à Barcelone, durant la crise, cette formule de logement intergénérationnel a désormais conquis la France.

Au départ, un constat : de plus en plus de personnes âgées souffrent de solitude. Faute d'une présence sécurisante à leurs côtés, parfois seulement la nuit, beaucoup doivent quitter à contre-coeur leur domicile qui, par ailleurs, peut être assez spacieux. Côté étudiant, pas la peine de redire la pénurie de logements et la difficulté à trouver une chambre à un prix abordable.

Des associations se sont donc créées pour organiser au mieux cet échange, dans l'esprit de l'économie du partage. L'une des premières, créée en 2004, est Le PariSolidaire (www.leparisolidaire.fr) Comme son nom l'indique, elle offre surtout des logements dans la capitale et en Ile-de-France, mais d'autres antennes du "parisolidaire" se sont créées dans de nombreuses villes de province : Lyon, Rennes, Lille, Montpellier, Nantes, Nancy...

Autre association créée en 2006, Ensemble2generations est présente sur Paris, l'Ile-de-France, et 40 villes de province. Elle propose trois formules différentes :
- le logement gratuit, avec engagement de présence de l'étudiant le soir, la nuit  (hors vacances)
- le "logement économique", avec participation aux charges et entraide de la part de l'étudiant.
- le "logement solidaire", avec  loyer et veille passive.

Environ 5000 binômes étudiant-senior ont été mis en place depuis la création.

Sur Lyon, vous pouvez essayer Tim&Colette , sur Aix-Marseille Domopart, sur Nantes Nantes'Renoue, sur Bordeaux Vivre Avec (déjà citée plus haut).

Comment trouver un logement intergénérationnel dans ma ville étudiante ?

- Pour trouver une association dans votre ville, vous pouvez consultez l'annuaire du réseau Cohabilis qui rassemble une partie de ces associations : www.cohabilis.org/

- Voir aussi le réseau province des associations Ensemble2Générations : www.ensemble2generations.fr/reseau.php

Des startups offrent aussi du logement intergénérationnel

Une hôte du Club Colette et son étudiante. © Club Colette
Une hôte du Club Colette et son étudiante. © Club Colette
La preuve que la formule séduit de plus en plus d'étudiants, des startups à vocation sociale se sont aussi lancées pour mettre en relation les moins de 30 ans et les plus de 60 ans.

Ainsi, le club Colette, fondé en 2020, propose des logements chez des seniors sur Paris et l'Ile-de-France. De même, Xenia aussi fondée en 2020 forme des duos sur Paris, Bordeaux, Strasbourg, Rennes et Lille, mais aussi des villes plus petites comme Bayonne, Valence, Limoges, Aix-en-Provence ou Dunkerque...

Ces startups facilitent la mise en relation grâce à leur plateforme digitale : avec le Club Colette en effet, on peut ainsi découvrir les offres de chambres des seniors et réserver en un clic !


Comment ça marche ?

Etudiant cherche chambre chez personne âgée : le logement intergénérationnel en plein boom
Etudiants en recherche de chambre et retraités s'adressent à l'organisme (association ou startup sociale) qui fait le lien. Chacun dit exactement ce qu'il recherche. Et qui il est.

Vous devez bien sûr remplir un dossier (papier ou en ligne) précisant votre âge, vos études, si vous avez un moyen de locomotion, si vous êtes fumeur, si vous préférez être hébergé par un homme, une femme, un couple, et surtout, dire quelles sont vos motivations et quels types de services vous êtes prêt(e) à rendre : une présence chaque nuit de la semaine ? Les repas du soir avec votre logeur ? Des petits services dans la maison ? La personne âgée, elle, dit ce qui l'arrangerait.
 
On ne demande jamais à l'étudiant de remplacer les professionnels qui aident la personne âgée


Les formules sont diverses selon les associations. Parfois c'est une simple présence contre un loyer modique, d'autres fois, une demande de compagnie en soirée ou de petits services : la chambre peut alors être mise à disposition gratuitement ou bien contre un simple règlement des charges. 

Précision importante : on ne vous demande jamais de remplacer les professionnels qui s'occupent des soins de la personne ou de l'aide ménagère.

Dans les associations, étudiants et personnes âgées doivent adhérer à l'association (150 à 300 euros de cotisation annuelle pour les étudiants). Dans les startups, les loyers sont versés sur la plateforme digitale et un pourcentage est retenu pour rémunérer l'entreprise.

Un nouveau contrat encadré par la loi

Ensuite, l'organisme essaye de mettre en lien chaque senior avec le junior qui convient. Une sélection rigoureuse vise à former de bons tandems.

Chaque duo signe alors un contrat de location intergénérationnelle solidaire, nouvelle forme de contrat créée par la loi ELAN en 2018, non pas sur le modèle d'un bail mais d'un contrat de droit civil. Avantage : il permet de versement des APL !

La loi prévoit aussi que le jeune et le retraité signent une charte précisant bien ce à quoi chacun s'engage. La personne âgée doit fournir une chambre indépendante entièrement réservée à l'étudiant, qui ferme à clé, est bien chauffée, dispose d'une prise pour l'ordinateur et d'une table de travail. S'il n'y en a pas, l'étudiant peut souscrire à ses frais une connexion internet.

L'étudiant s'engage sur les horaires et ses jours de présence, les services éventuels, le prix de la chambre ou des charges. 

La convivialité et la solidarité entre générations

Hébergé et hébergeur doivent surtout partager un état d'esprit : des valeurs de convivialité et de solidarité qui font le succès de la formule.

L'avantage pour l'étudiant n'est d'ailleurs pas seulement matériel : "j'étais loin de me douter que ces échanges étaient bien plus complexes et bien plus riches que je ne l'avais imaginé", raconte Philippe, l'étudiant en médecine bordelais cité plus haut.
 
Après 12 heures de cours par jour en médecine, je n'étais pas seul en rentrant 

"En effet, il s'est avéré que M. G m'apportait la même chose que ce que je lui apportais : la journée d'un étudiant en première année de médecine se résume à une seule chose, travailler, et ceci de 12-14 heures quotidiennement.

Ainsi, en fin de journée contrairement à mes camarades qui vivaient seuls, je me retrouvais à partager un repas, à discuter de ma journée, bref : je n'étais pas seul".

L'envie de solidarité boostée par les confinements et le Covid

©  Club Colette
© Club Colette
En imposant de drastiques mesures de distanciation, les confinements de la crise Covid auraient pu tuer la cohabitation intergénérationnelle.

Or ils ont plutôt fait augmenter le désir de partage et de solidarité entre générations. De nombreux étudiants ont certes été obligés de rentrer dans leur famille. Mais certains ont gardé contact par téléphone avec leur logeur. D'autres ont pris des nouvelles régulières.

Et à la rentrée suivante, la crainte de vivre seul - dans sa chambre étudiante ou sa maison - a fait exploser les demandes du côté des étudiants comme des seniors : "S'il y a un nouveau confinement, Je ne veux plus me retrouver coupée du monde comme je l'ai été", a expliqué une retraitée à la startup Colette.

Le modèle de la relation entre grands-parents et petits-enfants

Etudiant cherche chambre chez personne âgée : le logement intergénérationnel en plein boom
Les organismes vérifient donc que les étudiants qui postulent sont prêts à vivre cette convivialité toute simple.

C'est tout bête, mais mieux vaut aimer les personnes âgées, en tout cas avoir un désir de contact. "Nous prenons pour modèle la relation grands-parents/petits-enfants", disent les créatrices de PariSolidaire.

Safaa, elle, explique qu'en deux ans et demi, sa logeuse est bien devenue pour elle "comme une deuxième grand-mère". Elle a d'autant plus apprécié qu'elle était loin de sa famille vivant au Maroc :

"Mme G était bien entourée de ses proches et je pouvais compter sur eux si j'avais des soucis. Cela m'a apporté énormément sur le plan personnel comme professionnel. C'est vraiment une expérience unique en son genre mais c'est avant tout une leçon de vie : deux religions, deux cultures sous le même toit qui vivent ensemble et qui s'apprécient jour après jour c'est juste magique. Je résumerai cette relation en un seul mot «le partage»."

Des témoignages d'étudiants et de personnes âgées recueillis par l'association bordelaise Vivre Avec :


Moins festif que la coloc mais plus structurant

Souvent, la cohabitation intergénérationnelle impose aussi à l'étudiant quelques engagements bien compréhensibles : rentrer à heures raisonnables le soir, être présent un nombre minimum de soirs chaque semaine et ne pas recevoir d'amis.

"Cela ne laisse pas beaucoup de place à l’imprévu ou au laisser-aller", reconnait Line, étudiante accueillie par Nicole à Bordeaux grâce à  Vivre Avec. Mais j'ai utilisé ces contraintes comme un cadre qui m'a permis d’équilibrer sainement le travail universitaire et les sorties entre amis. Cela m'a rendu rigoureuse (ce que je n’étais pas du tout avant dans mes études!) et me fait apprécier d’autant plus chaque moment que je passe chez elle ou à l’extérieur".

La formule est sans doute moins festive qu'une coloc entre étudiants, mais elle peut justement convenir à ceux qui ont besoin d'un cadre calme et confortable pour travailler : étudiants en médecine, en classe prépa, année concours ou autre cursus nécessitant beaucoup de travail.

Derniers conseils aux étudiants

Pour tester vos motivations, on vous demande souvent si vous avez des activités associatives, ce qui est un bon point (les étudiants en médecine ou en social sont aussi appréciés). Mais ne mentez pas, soyez vous-même : vous pouvez tout simplement dire que vous aimeriez retrouver le contact que vous aviez avec votre grand-mère, que vous ne savez pas faire la cuisine mais aimez beaucoup jouer aux cartes, etc.

Si vous êtes fumeur dites-le tout simplement (il y a des seniors qui fument aussi !), et si vous êtes dans une année à concours qui ne vous laisse que peu de temps pour discuter le soir dites-le également.

La réussite de la formule vient en effet de la bonne sélection des étudiants et des personnes âgées... Trouvez la grand-mère ou le grand-père qu'il vous faut !

Lundi 6 Septembre 2021

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