Foot, samba, plage, carnaval, favelas... et après ?
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Jérémie Loevenbruck
Jérémie Loevenbruck

J'ai eu la chance d'effectuer le dernier semestre de mes études d'ingénieur à Rio de Janeiro, au Brésil... Ce blog est la publication hebdomadaire des quelques lignes que j'avais tentés d'écrire entre juillet et décembre 2009.... Elles retracent ces



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Du trafic de drogue des favelas à l'université, en passant par l'indifférence, le contraste carioca et la santé.


Quelques points de vue
Le trafic de drogue / La favela

A Rio, c’est clairement ce qui fait vivre une bonne partie des délinquants (et bien entendu des criminels), c’est ce qui leur permet d’acheter des armes pour prendre le contrôle des favelas, puis voler, agresser, bref terroriser le reste de la ville. Tout ça pour le plaisir d’avoir l’argent et le pouvoir.

C’est aussi ce qui empêche bon nombre d’enfant d’aller a l’école. A quoi cela sert lorsqu’on peut gagner 10 fois ce que le père gagne en 1 mois, par la sueur ? Mais c’est également ce qui fait vivre quelques familles, qui ne pourraient survivre sans ça.

La criminalité, et son petit frère la délinquance, ne peuvent pas disparaitre. La condition humaine va-t-on dire. Ou pour d’autres à cause de la misère, des différences de revenus, du manque d’éducation...Mais ici, on sent bien que le cadre de vie de bon nombre de personnes ne peut que profiter au développement de cette déviance de la société. En tout cas plus qu’en Suisse ou en Norvège.

Allez parler éthique, respect de l’autre, éducation, aux gamins qui dorment partout en ville, les yeux ouverts, en plein cagnard, complètement « shooter » par ce fléau de crack (80 % des habitants de la rue y sont accros). Ce crack que le petit trafiquant de la favela lui vend pour une misère.

On imagine alors qu’il faut agir sur tous les fronts pour résoudre le problème, et qu’ici en l’occurrence, l’essentiel est plus dans l’aide social et économique auprès de ces « errants », que dans l’histoire d’envoyer l’ « armada qui fait tout péter », pour déloger le petit trafiquant.

Quelques points de vue
On voit bien le dilemme quasi insurmontable que posent les favelas. Doit-on partir en guerre contre les trafiquants, guerre qui, on s’en aperçoit a rio, fait un certain nombre de dégâts collatéraux, paralyse les écoles et les activités... En cas de succès de la police, on fait entrer à court terme un nombre important de famille dans la misère, et on augmente la petite violence. En effet, les milices qui faisaient régner l’ordre ont disparu. On doit donc les remplacer par une sorte de police de proximité, qui, d’après quelques brésiliens, est encore pire (du fait de la corruption)...

Que penser de ce Néné, rencontré au détour d’une soirée, qui vie à l’entrée d’une favela à Niteroi. Fière de son quartier, de sa grande famille, il ne veut pas quitter cet ilot de sécurité au milieu de la violence urbaine (la milice se fait respecter). Le sourire aux lèvres en permanence, mais son père et son frère assassinés, 2 victimes de plus du trafic de drogue…

C’est ainsi que bon nombre d’hommes politique n’ont pas bougé pendant longtemps. Ils considéraient surement la situation comme étant la meilleure parmi les moins pires

L’arrivée des JO à rio va peut être changer la donne et intensifier ce travail de nettoyage des favelas dont on parle en France. Mais tant que la demande sera présente, tant qu’on cherchera à se procurer de la drogue, du crack pour les plus pauvres (1 real 50 la dose), du cannabis ou de la cocaïne pour les plus riches (30 reais Le gramme, 6x moins cher qu’en France, 10 fois plus forte) le problème ne sera pas résolu.

Cette activité de répression, fort médiatique, ne résoudra pas les problèmes d’urbanisation des favelas. Il ne donnera pas du travail ou la sécurité sociale à ces habitants, des écoles de qualités à leurs enfants. Il est nécessaire, mais n’a des résultats qu’à court terme.

L’autre solution, complémentaire et indispensable est à long terme. Et les effets ne se verront que bien après les JO, si les bonnes décisions sont prises maintenant. J’espère que le développement économique actuel du brésil permettra de sortir petit à petit ces nombreux brésiliens qui vivent dans la misère.

Et au-delà des cariocas, la grande majorité de ses personnes vivent dans le Nordeste, loin des JO !

Ah si, une autre solution, soufflée par la p’tite dame qui me faisait la conversation dans la file d’attente du posto de saude. On m’enlevait alors les points de suture : « l’homme est mauvais au fond de lui, tu le vois autour de toi…Mais ne t’inquiète pas, Jéova va venir pour nous sauver. Jéova installera un nouvel ordre sans violence, où tout le monde sera égal, il bannira les pourritures aux pouvoirs ! »… et moi dans ma tête : « oui oui oui il arrive il arrive… Surtout ne bouges pas, ne fait rien…tiens, assied toi, attends-le là…»

Le dégât des sectes qui inondent les favelas…

Je lisais un article aujourd’hui dans le O globo, le journal de référence brésilien. J’essaye de l’acheter tous les matins pour lire dans le bus. Et oui, tous les jours c’est bien 2 heures allez retour, où cramponné d’une main, tenant mon journal de l’autre, j’essaye de me tenir au courant de l’actu brésilienne, et française (le fils Sarko a défrayé la chronique, même ici !).

Un éditorialiste brésilien était hérissé par le traitement que l’on faisait à l’étranger des derniers évènements violents qui continuent à durer (et qui a mon avis, et tout le monde l’espère, ne s’arrêteront pas avant les JO). On présentait Rio comme le théâtre d’une guerre entre la police corrompue et les gangs de trafiquants. Ils oublient tout le reste, et surtout les 80 % de la population qui ne vit pas dans les favelas.

Mais il finissait son article sur une série de citations d’un journaliste espagnole. Ce dernier ne comprenait pas pourquoi les cariocas et leur classe politique ne se révoltaient pas face à cette violence, pourquoi, pour les hommes politiques, et c’est vrai, tout va bien ou tout est en train d’aller mieux. L’optimisme, ou l’indifférence ? pas clair

L’indifférence

Il y a 2 ans, déjà, j’avais été choqué par un enfant shooté, jonché sur le trottoir, au pied d’un bar où tous les clients étaient en costume cravate. Ils sortaient, un par un, sans même jeter un regard sur le gamin. C’était normal.

C’est vrai qu’on en voit beaucoup, et plus dans mon quartier qu’ailleurs. Mais plus généralement cette indifférence générale face à la violence, à la misère, est quelque chose d’assez impressionnant. Peut être le moyen le plus simple de l’affronter…

Je vois encore ces gamins, hier, qui initiaient un jeune de 5 ans peut être. Il devait frapper à coup de pieds un autre enfant, maintenu au sol par d’autres compères. En plein milieu de la rue, en pleine heure passante, et personne ne réagissait. Après les quelques histoires qui me sont arrivées, avec mon portugais qu’un gamin des rues ne pourrait pas comprendre, je n’ai rien fait non plus.

Cette indifférence vient peut être plus de la peur que, comme en France, de l’individualisme. Mais on sent qu’ici, ce qui compte, c’est la famille et les amis, et que pour le reste, on verra plus tard. On n’apprend pas à se soucier de la société. Par exemple on prend un soin fou de son corps, mais on jette les déchets dans la rue. Ce sont peut être des notions qui ne passent pas encore par l’éducation.

Mais encore une fois en France, le contexte économique, « l’absence » (en comparaison) de violence, nous laisse plus de place pour se soucier de ces histoires. Et certains jettent toujours les déchets dans la rue !

Par exemple 25 personnes à « la » manifestation du mois, à Copacabana, sur les réductions du tarif des transports pour les étudiants… 300 profs à Cinelandia, j’ai oublié la raison. Mais c’est vrai qu’avec le report de l’équivalent du bac pour cause de fraude, on a déjà plus entendu les étudiants… En France, tout le ministère de l’éducation national, fonctionnaire de 2nd zone compris, aurait déjà sauté.

Pour être juste, il faut aussi dire qu’une bonne partie de la population, aisée, ou simplement mieux éduquée, critique tous ces comportements. Il ne faut pas prendre les brésiliens pour des sauvages sympathiques qui se tirent dessus, mais le sourire aux lèvres, en chantant et buvant des bières, non ! Mais on retient plus facilement ce qui choque ou ce qui est différent. Il existe ici, au même titre qu’en France, de nombreuses personnes conscientes des errements et des atouts de leur pays, et qui souhaitent le faire évoluer !

Le contraste carioca

C’est ça le brésil, et plus particulièrement Rio : un état d’esprit ultra optimiste, un avenir économique sans nuage, des contrastes énormes à tout les niveaux, comme par exemple les salaires (le pays est statistiquement l’un des pires en terme d’écart de revenu entre les riches et les pauvres), ou la ville de Rio en elle même (un site magnifique, hallucinant, mais une violence qui terrorise la population et particulierement les plus pauvre), et le tout sans réaction.

Tout va bien, tout le temps. Ici il n’y a pas cet esprit, poussé à l’extrême en France, où l’on doit toujours avoir plus, vivre toujours mieux... Mais cet aspect des choses à aussi son coté « ruim » : le manque d’exigence avec soit et avec les autres, le manque de rigueur, l’absence de volonté d’améliorer les choses… Peut être un aspect rédhibitoire pour moi qui m’empêchera de vivre ici.

Pour illustrer tout ça (peut être que je vous l’avais déjà raconté), la manière dont on nous a appris le « non » carioca était surprenante ! Le prof, sous le ton de l’humour, mais finalement pas tant que ça, nous à dit que « não » en carioca n’existait pas. On le troquait par des « bien sur, je te rappelle plus tard » ou bien « je sais pas encore, mais c’est pour bientôt », et le meilleur, le fameux « j’arrive ! ». Et je vous assure que c’est vrai !L’éducation et la santé

L’éducation, par exemple, est au plus mal. Et je me rends compte que cette éducation, à tous les âges, est fondamentale pour une société. Ici, le manque d’éducation, même des plus âgés, est flagrant. Ce n’est surtout pas un jugement, mais un constat partagé par bon nombre de brésiliens.

Au delà de ça, le système scolaire est pauvre, très pauvre. Certains disent que l’argent ne manque pas, mais qu’il est constament détourné par la coruption. Il doit surement y avoir plus d’écoles et d’universités en france qu’au brésil (pour une population 3 fois inferieure).


Quelques points de vue

Quelques points de vue
La santé

C’est la même histoire du coté de la santé. J’ai fait l’expérience du « posto de saude », un hôpital pour les cas « basiques « (ça va loin) où l’on peut se faire soigner gratuitement. C’est chaud.

Celui qui passait avant moi c’est fait expédier entre 4 postos de saude pour enfin trouver l’infirmière compétente qui lui a fait le soin nécessaire (c’etait pas beau a voir). Les cabinets de medecins n’existent pas, ou alors de medecins privés (100 reais la consulte au minimum).

Tout ce système publique, qui au dire de tout le monde s’améliore progressivement, reste encore très en dessous des conditions nécessaires pour vivre une vie sereine, avoir un cadre qui permette de s’épanouir. Le système privé est lui parait-il de très bon niveau, mais horriblement cher.

L’université

L’université est de la même manière à 2 vitesses (privée/public). Selon mon prof de portugais (bac +12, également responsable des échanges universitaire avec l’étranger à la PUC, mon université privée), certaines universités fédérales sont meilleures que les écoles privées. Mais la selection y est très dure, et seuls les élèves qui ont pu profiter d’un cadre serein, et surtout de cours préparatoires, réussissent. On y retrouve donc des élèves riches, plus riches que dans les privées …

Il nous expliquait ça, au détour d’un verre, à une heure tardive (4h du mat peut être) en bordure d’un concert de forro… Les relations étudiants-profs sont ici très différentes…

En moyenne, le cout d’une année à la PUC est de 25 000 reais (10 000 euros). L’élève à des parents riches, ou profite d’une bourse ou d’un aide (artistes, sportifs…). Il y a plus d’étudiants en difficulté financière à la PUC que dans les autres facs, car le système de bourse est plus développé, c’est l’avantage de faire payer les riches.

Mais je vous rassure l’ambiance globale de l’université reste très luxueuse, beaucoup trop à mon gout... les quelques dizaines de distributeurs de billets ne seront pas là pour me contredire. Et j’ai du mal à reconnaitre ces gens plus simple de la PUC. J’aimerais d’ailleurs.

Le site de la PUC fait peut être la moitié du campus de l’INSA, mais il accueille 5 fois plus d’élèves. L’autre grande université, l’UFRJ, c’est l’inverse : une île a elle toute seule, 2 lignes de bus pour que l’on puisse se déplacer sur un campus qui doit faire la taille de l’aéroport d’orly !

Au brésil, le professeur d’université est considérer comme un cadre superieur, il peut toucher 15 000 reais dans le privé. La pénurie fait grimper le salaire...A la PUC il est embauché à 5 000 reais, à 3 000 dans le publique, mais c’est déjà un salaire énorme ! Imaginez tous les enseignants d’université à 3 000 euros en France ? Les grèves c’est finis !

Le niveau d’étude, parlons-en ! Celui qui vous parle, sur les 4 matières qu’il étudie, se retrouve avec 18 de moyenne, apres les premiers tests. Ceux qui ont fait l’INSA avec moi se rendent bien compte qu’il y a un problème, eux qui ont vu comment je passais chaque année avec les 10,00001 réglementaires...

C’est vrai que j’ai 2 cours sur 3 d’équivalent 3ème année à l’INSA (je suis en 5A), mais en France je serais tout juste capable d’avoir la moyenne. Et faut dire, je suis l’un des meilleurs dans la troisième matière, l’urbanisme, où je ne suis qu’avec des architectes (avantagés) et un prof dont je ne comprends que maintenant la moitié des mots. Ça m’a catastrophé !!

Encore une fois ça s’améliore, les concours d’entrée à chaque université sont progressivement remplacés par une sorte de baccalauréat commun, les bourses et les aides au vestibular apparaissent petit à petit.

Mais les étudiants continuent à étudier soit le matin, l’après midi ou bien le soir (on peut choisir les cours). La grande majorité peut ainsi travailler le reste du temps, et gagner les 1 000 reais (400 euros) qui leur permettent de vivre au quotidien. Je ne vous parle pas des étudiants bien lotis chez leurs parents.

Selon Ricardo, mon prof de portugais, le problème se situe bien en amont de l’université. La qualité des écoles primaires et secondaire est très faible, on continu à n’étudier qu’une demi journée par jour, les infrastructures et les enseignants compétents manques. Je discutais avec l’un des volontaires du soutient scolaire de Salvador. Il a 15 ans et passe toutes les après midi 1h dans les transports pour arriver à son école. Il n’y avait pas de places dans les écoles de son quartier, ou leurs niveaux n’étaient pas bons.

Résultat : le niveau scolaire des lycéens est faible et très disparate. Ceux qui n’ont pas bénéficié d’un cadre suffisamment serein pour étudier, ceux qui ne peuvent se payer rien que les inscriptions aux différents vestibulare, ceux qui ne peuvent candidater dans une autre ville (un loyer supplémentaire à payer), tous cela n’ont pas accès à l’université.

Plus basiquement, la fac n’est pas accessible à tout le monde puisqu’il existe soit un concours d’entrée (le vestibular, niveau très élevé pour les meilleurs facs), soit un droit à payer (le privée, très cher) …

On est bien en France non ? Et on remarque bien là le caractère essentiel de l’éducation et de la formation.

Rédigé par Jérémie Loevenbruck le Mercredi 31 Mars 2010 à 19:27 | Commentaires (0)