Réforme du lycée : la suppression de l'histoire en terminale S fait débat


Un point de la réforme du lycée qui doit être mise en place à partir de septembre 2010 (en seconde) provoque de vives réactions : c'est la disparition de l'histoire-géo en terminale S. Des intellectuels ont publié une pétition le 6 décembre 2009 pour s'insurger contre cette mesure.




Après des mois de débats, la réforme du lycée était enfin sur les rails et le Conseil supérieur de l'éducation devait l'entériner le jeudi 10 décembre.
Or, voilà qu'une vingtaine d'intellectuels ont publié dans le Journal du Dimanche du 6 décembre une pétition pour demander purement et simplement l'annulation d'une mesure : la suppression de l'histoire-géo en terminale scientifique (S). La réforme prévoit en effet de faire passer l'épreuve d'histoire-géo du bac en épreuve anticipée en fin de première, de façon à accorder plus d'heures aux enseignements scientifiques en terminale S.

Les signataires de la pétition rassemblent de grands noms comme le philosophe Alain Finkielkraut ou le démographe Hervé Le Bras, mais surtout des historiens comme Jean-Pierre Azéma, Jacques Le Goff, André Kaspi, Antoine Prost, Jean Tulard et d'autres... Dans les heures qui ont suivi, des artistes, des écrivains et surtout des personnalités politiques les ont rejoints comme Cécile Duflot (Verts) Jack Lang (PS), François Bayrou (Modem)...

Touche pas à mon histoire !

Tous s'insurgent et soulignent "le décalage entre cette mesure et les nécessités évidentes de la formation des jeunes Français au début du 21ème siècle".

"A l'heure de la mondialisation, les futurs bacheliers scientifiques n'auraient donc nul besoin de se situer dans le monde d'aujourd'hui par l'étude de son processus d'élaboration au cours des précédentes décennies ?", questionnent-ils dans la pétition. Il évoquent aussi le débat actuel sur l'identité nationale et estiment que "cette mesure va priver une partie de la jeunesse française des moyens de se faire de la question une opinion raisonnée".

Luc Chatel se défend

Aussitôt l'attaque lancée tous azimuts et relayée sur les médias, Luc Chatel, le ministre de l'Education est monté au créneau pour défendre sa mesure.

"L'histoire va garder la place éminente qui est la sienne au lycée", a déclaré le ministre. Il a surtout rappelé que l'horaire d'histoire-géo devait passer de 2h 30 à 4 heures hebdomadaires en première S, pour compenser la disparition de la matière en terminale :  "Les lycéens en S seront évalués en fin de première par une épreuve anticipée d'histoire-géo, comme le français. Ils ne feront pas d'histoire en terminale, mais actuellement ils ne font pas non plus de français et je n'ai pas le sentiment qu'ils soient illettrés", a-t-il jugé.
Et ceux qui seraient passionnés d'histoire ? "Ils pourront suivre une option facultative de deux heures d'histoire", a-t-il précisé.
Le ministre a également redonné l'objectif de ce réaménagement d'emploi-du-temps : "donner plus de temps aux lycéens scientifiques pour se consacrer à leur spécialisation (maths, sciences physiques, sciences) et se préparer à l'enseignement supérieur".

Qu'en pensent les lycéens ?

Pour l 'instant, personne ne s'est tellement soucié de leur demander leur avis. Pourtant, il y a fort à parier que beaucoup d'actuels lycéens de terminale S se verraient sans problème délester du fardeau du programme d'histoire, certes passionnant, mais qui alourdit énormément les révisions du bac.

De ce point de vue, le choix du ministère de faire passer le bac d'histoire en fin de première peut paraître au contraire judicieux : en cohérence avec les compétences à développer en français en expression écrite, l'épreuve d'histoire pourrait devenir ainsi moins "indigeste" et les lycéens en tirer au final un profit intellectuel supérieur. "François Bayrou n'a-t-il pas déclaré que l'on avait besoin davantage "de têtes bien faites que de têtes bien pleines ?" Or, le bachotage actuel, lors d'une année durant laquelle on doit mener tant de choses de front, concourt-il à former des têtes bien faites ?

Mais les intellectuels s'en tenant aux "grands principes" n'ont sans doute pas été voir sur le terrain quel était le vécu d'élèves de terminale S.

L'équilibre de la réforme en danger

Plus largement, la polémique grandissante centrée sur l'histoire en terminale S risque de laisser dans l'ombre les autres objectifs poursuivis par la réforme :

-la volonté de permettre les changements de série en fin de première : c'est pour cela que les programmes des diverses séries en première comportent 40% de matières communes dont, notamment les 4 heures d'histoire-géo, identiques en première L et en première S.
-le choix de dégager 2 heures par semaine pour du soutien qui nécessitait de réduire certains enseignements
-le choix de rendre le bac scientifique vraiment scientifique, en privilégiant les matières de spécialités en terminale dans l'emploi-du-temps : un rééquilibrage que tout le monde avait appelé de ses voeux pour redorer le blason des sections non scientifiques.

Si l'émoi des intellectuels est compréhensible, il ne résiste pas, selon nous, à l'analyse des avantages et des inconvénients d'une réforme longuement mûrie et débattue.

Pour ou contre la suppression de l'histoire en terminale ? Donnez-votre avis : participez au sondage en haut de cette page.



Rédigé par le Lundi 7 Décembre 2009
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