Mort de Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris


Le directeur de l'IEP de Paris, Richard Descoings, a été retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel à New York le mardi 3 avril 2012. Les étudiants de Sciences Po et le monde de l'éducation rendent hommage à l'esprit d'ouverture et d'innovation de Richard Descoings.




Richard Descoings présentant en juillet 2010 la nouvelle Ecole des affaires internationales. Photo : IEP
Stupéfaction en France, en particulier dans le monde étudiant. Richard Descoings, 53 ans, directeur depuis 1996 du prestigieux "grand établissement" qu'est Sciences Po Paris, a été retrouvé sans vie le mardi 3 avril dans sa chambre d'hôtel du centre de New York.

Annoncée d'abord par le quotidien Le Figaro, la nouvelle  a été rapidement confirmée et dès les premières heures du mercredi 4 avril, des étudiants de Sciences Po se sont spontanément rendus devant l'école de la rue Saint-Guillaume pour déposer des fleurs, des bougies et rendre hommage à leur charismatique ex directeur.

Les circonstances du décès

Richard Descoings était à New York pour assister au "Global Colloquium of University Présidents", un colloque de présidents d'université organisé sous l'égide du secrétaire général des Nations-Unies.

Ne le voyant pas se présenter aux débats le mardi 3 avril, les employés de l'hôtel Michelangelo où il logeait se sont rendus dans sa chambre et l'ont retrouvé nu et sans vie sur son lit à 13 heures, heure locale (18 heures à  l'heure française).

Les circonstances exactes de cette mort ne sont pas encore connues. Une enquête a été ouverte par la police de New York qui a toutefois déclaré n'avoir trouvé aucune preuve d'acte criminel.

Un hommage unanime

"Pour tous ceux qui enseignent, tra­vaillent et étudient à Sciences Po, la dis­pa­ri­tion de Richard Descoings est une perte irré­pa­rable, ont exprimé Jean-Claude Casanova, pré­sident de la Fondation natio­nale des sciences poli­tiques (FNSP) et Michel Pébereau, pré­sident du conseil de direc­tion de l'IEP. En 16 années de direc­tion, il a accom­pli une oeuvre extra­or­di­naire qui a pro­fon­dé­ment trans­formé Sciences Po. La fer­veur des étudiants pour leur direc­teur était excep­tion­nelle et mar­quera très dura­ble­ment l'institution", ont-ils ajouté.

La France perd "un esprit vision­naire" qui "a révo­lu­tionné notre ensei­gne­ment supé­rieur", a estimé le ministre de l'Education natio­nale Luc Chatel dans un com­mu­ni­qué. "Avec cette dis­pa­ri­tion, la France perd un esprit vision­naire qui, par son audace, son éner­gie et sa capa­cité à bri­ser les tabous, a révo­lu­tionné notre ensei­gne­ment supé­rieur et notre concep­tion de l'éducation", déclare Luc Chatel .
"Avant tout autre, et contre tous les conser­va­tismes, Richard Descoings a eu l'intuition et la convic­tion que la France devait élar­gir le recru­te­ment de ses élites pour que l'idéal méri­to­cra­tique de la République ne soit pas une pro­messe mais une réa­lité", souligne Luc Chatel.

Luc Chatel rap­pelle qu'en jan­vier 2009 Richard Descoings s'était vu confier par le pré­sident de la République la mis­sion de réfléchir à la délicate réforme du lycée. Richard Descoings n'avait pas ménagé ses forces puisqu'il avait sillonné les lycées de France et rencontré des milliers de lycéens et leurs enseignants : de là étaient sorties des préconisations mises en oeuvre dans la réforme du lycée, l'idée majeure étant de donner davantage de possiblités de réorientation aux lycéens et de leur accorder le "droit à l'erreur". (lire : Réforme du lycée : les préconisations de Richard Descoings)


Un visionnaire pourtant très contesté

Si le monde de l'éducation rend unanimement hommage au directeur de l'IEP, force est cependant de reconnaître que les choix de Richard Descoings faisaient souvent grincer des dents : son choix d'ouvrir dès 2001 la prestigieuse et très élitiste école parisienne aux lycéens des Zep grâce à des conventions passées avec leur établissement n'avait pas que des défenseurs.

C'est pourtant la voie qu'essayent d'emprunter aujourd'hui d'autres filères d'excellence, comme les classes prépas et les grandes écoles où les jeunes de milieu modeste ou défavorisé sont encore sous-représentés comme le montre le rapport sur l'ascenseur social et l'enseignement supérieur remis en mars 2012 au ministre Laurent Wauquiez.

A  Richard Descoings qui avait créé une voie spécifique, différente du concours ouvert à tous les étudiants, beaucoup opposent toutefois des dispositifs du type "Cordées de la réussite" qui préfèrent aider les collégiens et lycéens en amont pour leur permettre de réussir les mêmes concours que les autres.

Mais encore faut-il que les concours eux-mêmes ne soient pas discriminants en favorisant, par le type d'épreuves qui les constiuent, les étudiants les plus cultivés et donc les plus favorisés socialement.  Cela n'avait pas échappé à la direction de Science Po Paris qui avait donc annoncé, avant toutes les grandes écoles très réticentes à réformer les contenus des concours, une réforme du concours d'entrée en première année à Sciences Po Paris : cette réforme, qui doit s'appliquer à partir de 2013, prévoit de mieux prendre en compte la personnalité, la motivation ou les engagements des candidats, et supprime l'épreuve écrite de culture générale tout en conservant l'épreuve d'histoire.
Une lecture partielle de cette réforme avait aussitôt fait de Richard Descoings "l'homme qui veut supprimer la culture générale".

A l'été 2011, Richard Descoings avait aussi été mis en cause sur le montant élevé de ses rémunérations.

Sa mort brutale relativise cependant les polémiques et met en lumière une oeuvre volontariste et ambitieuse pour l'ouverture et la modernisation de l'enseignement supérieur français.




Rédigé par le Mercredi 4 Avril 2012
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