Un banquier qui croit à des finances solidaires


En dépit des crises et des scandales, le monde de la banque peut et doit avoir le souci de l'éthique et de la solidarité. C'est le credo de Karol Sachs, créateur et président de la Fédération européenne des banques éthiques et alternatives. Un banquier bien différent des spéculateurs et des traders fous qui ont fait la une des journaux. Après le Brésil, l'Inde et la Pologne, c'est en France que Karol Sachs pose ses valises en 1968. Rencontre avec ce défenseur des "finances solidaires".



Dès son enfance et sa jeunesse, Karol Sachs est un globe-trotter. Il naît au Brésil en 1951, puis sa famille part vivre en Pologne dont elle est originaire. Mais c'est en Inde qu'il commence à fréquenter les bancs de l'école jusqu'en 1960, avant de rentrer en Pologne et d'émigrer en France en 1968. Il a alors 17 ans. Est-ce ce passage à travers tant de frontières qui a éveillé son sens de la solidarité ? Il se lance non dans des études de commerce et de finances mais d'urbanisme.

A la sortie, il connaît... le chômage, avant d'entrer au ministère de l'Environnement en 1976. C'est là qu'il croise un responsable de l’association Solidarité France Pologne qui lui propose de rejoindre le Crédit Coopératif. Ainsi commence sa carrière dans la banque. En 1982, il est chargé du financement des collectivités territoriales. Il aide ensuite à créer une banque solidaire en Pologne et depuis 2001, le voilà responsable de la mission Finances solidaires et alternatives du Crédit Coopératif. Un poste qui lui a permis de participer largement à la création de la Febea (Fédération européenne des banques éthiques et alternatives), dont il est président.

Il aide à créer un fonds de partage ''faim et développement''

A travers tous ces postes, il garde un objectif : mettre l'argent des banques, et donc des épargnants, à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin, et ne sont pas forcément les plus riches ! " "En 1983, dans le cadre de mes activités au Crédit Coopératif, j'ai participé à la création du fonds de partage Faim et Développement, raconte Karol Sachs. Une expérience qui nous a permis de prouver que les épargnants sont prêts à renoncer à une partie de leurs revenus s'ils savent que ceux-ci sont bien utilisés. Et si on veut être sûr de cette bonne utilisation, il faut garder une proximité entre les épargnants et la banque".

Qui dit proximité dit petite taille et donc diversité des établissements bancaires. Ce qui n'empêche pas cependant de partager un même fonds de garantie ou une même société financière. C'est pour créer ce back office commun à toutes les banques qu'a été créée la Febea en juin 2001.

Des finances transparentes et utiles

L'enjeu de la Febea, dont Karol Sachs se défend d'être le fondateur - "Le secteur est trop diversifié pour qu'on puisse envisager des approches individuelles" - est donc de fédérer les établissements bancaires éthiques d'Europe, mais sans les unir. Au mois d'octobre 2008, le réseau est composé de 25 établissements de 13 pays de l'Union européenne, de tailles et de formes très variées. Leur point commun ? Elles partagent toutes les mêmes valeurs de transparence et d'utilité.

Il faut investir dans des projets utiles, notamment de développement durable

Alors, que pense le président de la Febea de la crise financière de 2008 ? "La première chose à faire, c'est surtout de ne pas donner des leçons de morale. Il faut commencer par éteindre l'incendie, sauver ce qui peut l'être, et après seulement, on fera les comptes" ... Au-delà de la crise, l'homme appelle ensuite à un retour aux fondamentaux : "Il faut que la finance redevienne transparente et utile, en investissant dans l'économie réelle, et notamment les projets de développement durable".

Convaincu que le système bancaire peut aider l'innovation sociale

Karol Sachs propose également de créer une loi qui permette aux consommateurs de se constituer eux-mêmes en association ou en fondation pour payer eux-mêmes les auditeurs (ceux qui contrôlent les comptes) des banques : "C'est la seule façon d'avoir des audits indépendants. De toute évidence, une banque ne va pas payer un auditeur qui va dire du mal d'elle !".

Enfin, il rappelle qu'en 1882, les chartes du Crédit Agricole et de la Grameen Bank exigaient toutes les deux de leurs clients qu'ils envoient leurs enfants à l'école. Pourquoi ne pas exiger aujourd'hui que la banque puisse aider à créer de la richesse, des entreprises, en apportant aussi un progrès social ? Karol Sachs veut y croire : comme Mohammed Yunus, le prix Nobel de la Paix 2006 qui a inventé le "micro-crédit", il est convaincu que le système bancaire peut être au coeur de l'innovation sociale. Un "prêteur d'espoir" en quelque sorte.


Samedi 8 Juin 2013
Avec l'agence Reporters d'Espoirs

Dans la même rubrique :