Suppression des bourses au mérite : des étudiants boursiers lancent une pétition


Le gouvernement n'attribuera pas en 2014-2015 de "bourse au mérite" aux bacheliers boursiers ayant eu une mention très bien. Cette décision annoncée en juillet 2014 scandalise nombre d'étudiants qui comptaient pourtant bien dessus. Et la polémique enfle.




C'est au coeur de l'été, le 24 juillet 2014, que le ministère de l'Enseignement supérieur a publié la circulaire précisant les modalités d'attribution des bourses étudiantes en 2014-2015.

Or si elle précise bien (en annexe 8) que les étudiants qui en bénéficiaient déjà (en licence ou en master) en 2013-2014 vont continuer à la toucher jusqu'à la fin de leur cursus, rien n'est dit des nouveaux bacheliers ou des diplômés de licence en 2014 : pour eux, la bourse au mérite est donc bel et bien supprimée.

Créée en 2001, celle-ci concernait les bacheliers ayant eu une mention très bien et ayant déjà droit à une bourse sur critères sociaux. Ils pouvaient alors prétendre, en plus de la bourse étudiante sur critères sociaux, à une bourse de 1800 euros par an pendant trois ans. La même bourse pouvait aussi être attribuée durant deux ans aux diplômés de licence ayant eu d'excellents résultats et souhaitant poursuivre en master.

Des milliers de jeunes pris de court

Est-ce la publication tardive de cette décision qui explique l'émoi provoqué par la suppression de la bourse au mérite ? Sans doute.
Car la suppression des bourses au mérite avait déjà été annoncée en 2013 par le ministère qui souhaitait revaloriser l'ensemble des bourses sur critères sociaux.

Mais le dispositif avait été prolongé en 2013-2014 et l'absence d'information donnée aux Crous a manifestement trompé nombre de jeunes qui comptaient bien sur ce beau coup de pouce pour boucler leur budget étudiant de rentrée.

"Je voulais à tout prix décrocher une mention très bien au bac pour pouvoir continuer mes études sans que ma mère m'aide financièrement, explique ainsi Amélie. J'ai eu cette mention, j'ai été fière et heureuse d'avoir réussi. Mais plus maintenant. Je vais être obligée de travailler à côté de mes heures de cours car je n'aurais pas assez avec l'argent que j'ai gagné en travaillant cet été".

Une association mobilisée : Touche pas à ma bourse, je la mérite !

Du coup, ces étudiants ont constitué une association, ouvert une page Facebook et lancé une pétition pour demander au gouvernement de sauver les bourses au mérite. Nom de code : "Touche pas à ma bourse, je la mérite !".

Plus de 5 600 personnes ont déjà signé la pétition en ligne. Très actifs, les étudiants fondateurs de l'association ont aussi obtenu le soutien de 90 députés de tous bords, affirmant qu'ils ne souhaitent pas politiser le débat.

"On demande un rendez-vous avec les ministres concernés", ont-ils expliqué lors d'une conférence de presse. Interrogé à ce sujet sur France-Inter le 1er septembre, la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem a pourtant écarté catégoriquement le retour des bourses au mérite, réaffirmant le choix du gouvernement : donner priorité aux seules bourses sur critères sociaux.

Le choix du gouvernement : réévaluer les bourses sur critères sociaux

Il est vrai que le gouvernement a massivement augmenté les bourses étudiantes dès 2013. Un nouvel échelon de bourse, le 0bis, a été créé, pour les étudiants des classes moyennes modestes qui se sont vus octroyer une bourse annuelle de 1000 euros.

Un autre échelon a été créé, le 7, pour les étudiants les plus modestes, qui ont vu leur bourse réévaluée de 15%, dès 2013. Et une allocation de 4000 à 5000 euros a été créée pour les étudiants en totale rupture avec leur famille.

En 2014-2015, nouveau coup d'accélérateur : 77 500 nouvelles bourses de 1000 euros sont octroyées à des étudiants de l'échelon 0 ; 1000 allocations annuelles supplémentaires "pour les jeunes en situation d'autonomie avérée" ont été créées ; et toutes les bourses sur critères sociaux sont réévaluées de 0,7% en septembre 2014 "afin de préserver le pouvoir d’achat des étudiants boursiers".

Les critères pris en compte pour obtenir ces bourses sont bien sûr le niveau de revenu de la famille de l'étudiant, mais aussi l'éloignement entre son domicile et le lieu d'étude et le nombre d'enfants de la famille. Les résultats scolaires, eux, passent à la trappe, ce que contestent les membres du collectif.

L'ascenseur social en question

Les défenseurs de la bourse au mérite font remarquer que la bourse au mérite (qui permet d'économiser à terme 49 millions d'euros) reste bien inférieure au budget total consacré aux bourses sur critères sociaux (457 millions d'euros au total sur 2013-2015)..

Pourquoi refuser d'encourager alors les boursiers qui font leurs preuves ? Pour éviter de les "privilégier" par rapport aux autres ? Pour permettre à davantage de jeunes de mieux réussir à leur tour ?

"La suppression en l'état de l'aide au mérite est un crime contre la jeunesse".

"La prétention des classes populaires à faire partie des élites de la Nation par leur réussite au sein de l'École de la République est remise en cause, estime le manifeste de l'association Touche pas à ma Bourse. L'Etat doit garantir la mobilité sociale qui participe à l'existence même de notre démocratie républicaine. En voulant gommer trop tôt de prétendues inégalités au sein des boursiers, en réalité il replonge les étudiants issus de milieux modestes en position d’inégalité par rapport à ceux des milieux aisés. À ce titre, la suppression en l’état de l’aide au mérite est un crime contre la jeunesse".

Un beau débat sur l'égalité à poursuivre...

L'association Touche pas à ma bourse :
http://touchepasamabourse.e-monsite.com/



Rédigé par le Mardi 2 Septembre 2014
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