Sakina M'sa, la haute couture au grand coeur


Styliste de mode, Sakina M'sa ne se contente pas de créer des vêtements. Dans sa maison de couture d'insertion, elle aide des femmes sans emploi à remettre la main à l'aiguille. Et encourage les jeunes des cités (et du 93) à croire à leur talent.



Un atelier de customisation au Petit Palais.
Prenez un lot de vêtements récupérés par Emmaüs. Un kit couture complet fait de machines, ciseaux, épingles, tissus et matières en tout genre. Maintenant, examinez sur des tableaux du 16e au 19e siècle la représentation des vêtements : les matières et contrastes, les motifs et couleurs, les corps, ce qui est montré, ou caché, les canons de la beauté... Emparez-vous de magazines féminins, découpez les tenues des mannequins et jouez aux cadavres exquis, collez sans souci des conventions. Enfin, dessinez et prenez l'aiguille pour réaliser vraiment votre robe rêvée, celle qui exprime votre être le plus intime et le plus fou.

Cet exercice, une quinzaine de femmes, issues de l'immigration ou en difficulté sociale, ont pu le réaliser durant six mois, dans les ateliers de customisation du Petit Palais, le musée des Beaux-Arts de la ville de Paris. Pour aboutir à une véritable expo dans le musée parisien, "L'Etoffe des héroïnes", du 29 juin au 19 août 2007, présentant leur travail et leurs créations. Au milieu d'elles, un petit bout de femme pétillante de vie, Sakina M'sa, véritable maître dont le nom est déjà reconnu dans le petit monde de la mode.

Sakina M'sa : une styliste de mode au talent fou

Sakina M'sa a montré très jeune un don pour la création de mode.
Née aux Comores en 1972, Sakina M'sa est arrivée en France, à Marseille, à l'âge de 7 ans. Au collège déjà, elle organise un défilé de mode en fin d'année scolaire. "Les mannequins étaient mes copines, les vêtements étaient créés à partir de la nappe cirée de ma mère, des torchons, des boîtes de conserve et de carton... Je ne savais pas coudre" raconte-t-elle. En classe, elle aime la poésie, l'histoire, la géographie. Mais son mode d'expression à elle, c'est le vêtement. Elle suit des études de stylisme à l'Institut supérieur de la mode, un apprentissage chez une costumière... et se lance dans un travail de création très personnel, organisant des défilés dans des usines, des bains-douches, des cabines téléphoniques, des cafés.

On remarque son talent, elle gagne bourses et prix, ce qui ne l'empêche pas de connaître la galère et les petits boulots avant d'échouer, à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis (93) où elle installe son atelier.

Donner une seconde vie à des vêtements... et aider des femmes sans emploi

Sakina M'sa inaugure l'expo
Dans ce département marqué par la diversité des cultures, la Comorienne est comme un poisson dans l'eau. Elle poursuit son travail de styliste, créant tous azimuts, accumulant matières et tissus, plongeant aussi dans le "tissu social". Elle ne se contente pas de créer des vêtements métissés, héritiers de toutes les traditions esthétiques, ou de coller sur ses modèles des petits bouts de tissus qu'elle a fait séjourner dans la terre aux quatre coins du monde (histoire de les imprégner d'une signification particulière). Elle ne veut pas seulement donner une seconde vie à des vêtements transformés, mais veut aider des femmes issues de l'immigration à trouver un emploi, des jeunes à croire en leurs talents.

Daïka : une maison de couture et d'insertion

Sakina M'sa permet à femmes sans emploi d'apprendre la haute couture.
Pour cela, elle crée un atelier d'insertion par la couture, l'association Daïka. Des femmes issus de l'immigration et sans emploi y apprennent non seulement à coudre (ce qu'elles savent souvent déjà), mais à s'y exprimer en créant de véritables collections qui peuvent être présentées dans des défilés de haute couture et commercialisées. Car chez Sakina M'sa, l'ambition sociale va de pair avec l'exigence culturelle et professionnelle. Dans cette maison de couture d'insertion, on veut produire des vêtements dans les règles de l'art des grands ateliers.

Les femmes sont encadrées par Sakina M'sa elle-même, mais également par un chef d'atelier issu d'une grande maison de couture qui a pour mission de transmettre des savoir-faire très précis. En même temps, les participantes de l'atelier sont suivies socialement et aidées à bâtir chacune un projet professionnel.

Des femmes en grande difficulté reprennent leur vie en main

Des participantes des ateliers de customisation.
En montant le projet "l'étoffe des héroïnes", la styliste a voulu continuer à faire le grand écart entre la haute couture et la grande précarité. Trois femmes de l'association Emmaüs ont participé aux ateliers de customisation, dont deux, sans domicile fixe, étaient hébergées dans un centre d'urgence. Dynamisée par l'expérience, l'une s'est lancée dans une recherche active de travail et s'est inscrite à un cours d'apprentissage de la langue française. Une autre s'est inscrite dans une formation qu'elle a réussi à financer elle-même. La troisième a repris confiance en elle en découvrant ses capacités créatrices.

Pour Sakina M'sa, le vêtement est une seconde peau, un objet très intime

L'exposition
Sakina M'sa a certainement raison quand elle considère que le vêtement n'a pas qu'un aspect fonctionnel, mais qu'il constitue un objet de culture qui permet de traduire une nouvelle identité. Dis-moi ou montre-moi ce que tu veux porter vraiment, et tu découvriras qui tu es. Et ce que tu portes en toi. Ce que la jeune Comorienne porte en elle en tout cas, c'est un sacré pouvoir de création et une énergie peu commune. Elle aurait pu garder son talent pour l'univers de luxe et de la haute couture. Elle a préféré le partager très largement jusqu'au monde de la rue et de la précarité.


Samedi 8 Juin 2013
Avec l'agence d'informations Reporters d'espoir

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