Orientation postbac : vers une plateforme "plus simple et plus transparente" qu'APB


En janvier 2018, les lycéens de terminale pourront inscrire leurs voeux d'orientation sur la plateforme Parcoursup, annoncée comme "plus simple et plus transparente" qu'APB. De fait, le dispositif d'affectation va beaucoup changer.




"Le tirage au sort sera supprimé, tout comme l’algorithme d’affectation automatique. Les dossiers et les projets des lycéens seront désormais consultés par les équipes pédagogiques des établissements où ils souhaitent étudier."... Ainsi le ministère de l'Education nationale décrit-il sur son site la façon dont les lycéens de terminale seront désormais affectés dans les filières postbac.

Après des années de déploiement de la célèbre plateforme admission-postbac (dite APB), c'est donc un virage courageux qui est amorcé par le gouvernement d'Edouard Philippe et ses deux ministres de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur.

Il faut dire que la faillite du système APB pour les bacheliers 2017, des milliers d'entre eux n'ayant pu entrer à l'université suite à un tirage au sort malheureux, les a aidés à franchir le pas et à remettre à plat tout le système. Entre l'été et le 30 octobre 2017, pas moins de 55 réunions ont été organisées entre l'administration, les représentants des universités, des étudiants, des enseignants et des parents d'élèves.

Les deux faiblesses qui ont tué APB

Le résultat, c'est une réforme globale de l'orientation postbac qui a été dévoilée le 30 octobre 2017 et présentée en Conseil des ministres le 22 novembre. L'une des mesures les plus spectaculaires est qu'une nouvelle plateforme sera mise en ligne début janvier 2018 en lieu et place du site admission-postbac. Ce sera Parcoursup, un nom choisi suite à une consultation en ligne organisée par le ministère. Parcoursup l'a emporté à 42,8% devant Mes Etudes Post-Bac (23%) et aussi Devenir Etudiant, Réussir Sup, Parcours Etudiant.

"APB n'a pas démérité durant des années", a pourtant reconnu le ministre de l'Education nationale. Lancée en 2008, la plateforme numérique présentait l'avantage de réguler les demandes d'inscription en évitant que des candidats acceptés dans plusieurs filières ne bloquent plusieurs places et n'engorgent tout le système. Le numérique a aussi permis de supprimer tous les dossiers papier que les lycéens devaient auparavant transmettre à chaque établissement. 

Au fil des ans pourtant, le dispositif a montré deux faiblesses principales. Son algorithme d'affectation des voeux d'abord. D'une implacable efficacité, il imposait aux candidats de classer leurs voeux de façon stricte : dès que vous étiez accepté à un voeu, tous les voeux placés en-dessous étaient annulés. Il était donc impossible de savoir si vous aviez été pris à ces voeux inférieurs et bien sûr de changer d'avis ! Un manque de transparence anxiogène qui donnait parfois aux lycéens l'impression de "jouer leur orientation en un clic".

Une usine à gaz qui a explosé en plein vol

Durant plusieurs années, l'assurance de pouvoir être pris à l'université - réputée non sélective - parvenait cependant à éponger l'angoisse. Mais avec l'augmentation démographique du nombre de lycéens, deuxième faiblesse, les filières universitaires ont commencé à manquer de places... Du coup, un système de plus en plus contraignant a obligé les candidats à inscrire dans leur liste de voeux au moins une filière non sélective, puis une filière non sélective "à pastille verte" (c'est-à-dire ayant normalement des places). 

Le dispositif APB est ainsi devenu une usine à gaz (avec ses salons, ses experts, ses consultants) qui a explosé en plein vol lorsque des milliers de candidats se sont retrouvés en 2017 sans admission en dépit de leurs voeux dans des licences "à pastille verte" ! 

Bonne idée de revenir à un système plus "humain" proposant aux lycéens un accompagnement face aux ressources ou aux outils numériques et un dispositif finalement plus simple...

Comment rentrera-t-on ses voeux ? Toutes les nouveautés de Parcoursup

La plateforme Parcoursup sera bien sûr digitale. Elle ouvrira le 15 janvier 2018 et les lycéens pourront y entrer leurs voeux jusqu'en mars comme auparavant. On imagine que les lycées continueront à entrer les dossiers (notes des bulletins scolaires et appréciations) directement dans la plateforme, belle avancée du numérique.

- L'une des grandes nouveautés est que l'on ne pourra pas mettre plus de dix voeux, là où APB en autorisait jusqu'à 24. Le gouvernement veut ainsi que les lycéens ne mettent que des orientations qui leur plaisent vraiment et qu'ils sont prêts à accepter. Finis les "voeux bidons" inscrits à la va-vite qui aboutissaient souvent à des orientations "par défaut" et à des abandons. 

- Autre nouveauté qui devrait mettre de la souplesse dans les choix, il n'y aura plus à classer ses voeux ! Vous pourrez ainsi connaître pour tous vos voeux les réponses des établissements : accepté, refusé, mis sur liste d'attente... et vous pourrez vous déterminer avec tous ces éléments. Simplement, si vous avez deux réponses positives, on vous demandera d'en choisir une et de renoncer à l'autre. Mais vous pourrez garder vos places "en liste d'attente" le temps de mûrir votre décision.

- Les réponses arriveront au fil de l'eau à partir du mois de mai et non plus à trois dates fixes comme auparavant. Le système devrait ainsi être plus fluide. La plupart des réponses auront été données avant le bac, mais elles s'interrompront pendant les épreuves du bac pour ne pas perturber les candidats et reprendront après pour ceux qui attendent toujours des réponses.

- Vous ne pourrez pas faire plus de 10 voeux mais il y aura davantage de "voeux groupés". Dans le sytème APB, un voeu était au départ une filière précise dans un seul établissement. Mais face au manque de places, un système de voeux groupés a été testé en 2016 et 2017 dans les filières en tension : quand vous indiquiez que vous vouliez faire  une L1 de droit dans votre académie, on vous demandait de classer toutes les facultés de droit de l'académie, pour augmenter vos chances d'avoir une place.

Un système que Parcoursup devrait reprendre et amplifier (comme quoi APB n'avait pas que du mauvais).  Il sera ainsi possible de postuler à une "PACES en Ile de France", ou à une "formation en informatique à Bordeaux". Et l'on pourra vous proposer divers types de filières ou de formation dans ce domaine.

Et l'entrée à l'université : sélective ou non sélective ?

Reste l'une des nouveautés qui a fait couler le plus d'encre : l'entrée à l'université. Le diagnostic gouvernemental a pointé là encore deux inconvénients majeurs du système existant :

- l'université étant non sélective, elle accueille mécaniquement jusqu'à présent tous les candidats n'ayant pas eu de places en filières sélectives, notamment les bacheliers de séries technologiques ou professionnelles... qui sont justement les moins bien préparés à ce type d'études. Voilà qui explique en partie le fait que 60% des étudiants n'obtiennent pas leur licence.

- Certaines filières dites pudiquement "en tension" souffrent d'un manque croissant de places : les facultés de droit, de médecine, de psychologie, et de sport (la fameuse filière Staps), mais aussi certains départements d'économie et de gestion.
Quand il y avait plus de candidats que de places, comment APB affectait-il les candidats ? Ne pouvant examiner leur dossier (pour éviter la sélection !), l'algorithme donnait d'abord priorité aux candidats de l'académie ayant placé ce voeu en tête de leur liste. Puis les autres étaient tirés au sort ! C'est ainsi qu'en 2017, des bacheliers mention très bien - qui auraient eu de bonnes chances de réussite - n'ont pu rentrer en fac de droit ou en PACES.

Le nouveau dispositif veut mettre fin au tirage au sort par les universités et en même temps mieux "aiguiller" les bacheliers vers les filières où ils ont plus de chances de réussite. 

Sélection ou non sélection à l'entrée ?

Le nouveau dispositif trouve un habile équilibre entre le droit de tous à poursuivre des études et la nécessité de prendre en compte le profil de chaque bachelier.

En amont de l'affectation :
- Sur la plateforme d'orientation, chaque établissement devra indiquer les débouchés, le taux de réussite par  série de bac, le taux d'emploi à la sortie... et des "attendus", c'est-à-dire les connaissances fondamentales et les compétences à avoir pour réussir dans cette voie. 
Ces attendus s’appuieront sur un cadre national, mais les établissements pourront préciser les spécificités de leur formation.

- Les lycéens sont donc invités à s'informer très précisément sur les études qu'ils envisagent et à les confronter à leurs talents, leurs difficultés et leurs envies. Le Plan Etudiants prévoit pour cela une plus grande implication des enseignants de terminale à leurs côtés : il y aura deux professeurs principaux en terminale. En décembre, puis en février, une semaine de l'orientation est prévue dans les lycées. Et le conseil de classe doit enfin conseiller, et plus seulement "juger".
Ainsi, au 1er conseil de classe de décembre, les enseignants doivent savoir ce qu'envisage l'élève ; puis au 2ème trimestre, il transmet un avis sur une "fiche avenir" aux établissements que veut intégrer le lycéen. 

Il faudra donc, plus que jamais, parler de son orientation, dialoguer avec les enseignants et les personnes du lycée pouvant vous aider. Cela en complément d'une foultitude d'outils numériques dont l'excellent site de l'Onisep ou le site monorientationenligne.fr qui permet de poser des questions personnelles.

- Il faudra aussi bien sûr remplir avec soin des dossiers de candidature. Pour les formations sélectives, cela se faisait déjà et leur processus de sélection reste identique. Mais pour l'université, c'est une nouveauté ! Il faudra justifier son choix, expliquer sa motivation, son éventuel projet professionnel, donner ses expériences, cela en complément des bulletins scolaires. Et ce dossier permettra aux universités de poser une réponse adaptée au candidat. 

Exemples d'attendus de réussite pour la filière STAPS

Un des groupes ayant préparé la réforme a donné un exemple de ce que peuvent être ces "attendus". Pour être accepté en filière Staps, on demande aux étudiants de :

- Disposer de compétences scientifiques
Ces compétences peuvent notamment être attestées par la filière de baccalauréat choisie et les notes obtenues dans les matières scientifiques en première et terminale (5 trimestres).

Disposer de compétences en matière d’expression écrite afin de pouvoir argumenter un raisonnement
Ces compétences peuvent notamment être attestées par les notes obtenues au Baccalauréat de français, ainsi que dans les matières littéraires durant les années de lycée (français, philosophie, histoire, sciences économiques et sociales…).

Disposer de compétences sportives
Ces compétences peuvent notamment être attestées de nombreuses manières (non cumulatives) : notes d’EPS obtenues aux cours des 5 trimestres de première et terminale, participation régulière en UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) durant le lycée, activité sportive en club attestée par la production d’une licence fédérale, statut de sportif de haut niveau…

- Avoir eu un investissement associatif ou avoir assuré des responsabilités collectives
Cet investissement et ces responsabilités peuvent notamment être attestées par la possession d’un BAFA ou de brevets fédéraux, par un travail d’animateur en club sportif ou par un engagement de secouriste ou pompier.

En aval de l'affectation 

- Dans les formations sélectives (BTS, IUT, CPGE, écoles d'ingénieurs), il n'y a pas de changement dans le processus de sélection qui se fait soit sur dossier, soit sur concours. 
A partir du mois de mai, les candidats reçoivent leurs réponses qui peuvent être, comme avant, de trois types : oui, non, "en attente". La réponse "en attente" signifie que vous êtes sur liste d'attente et que vous serez admis si d'autres candidats admis libèrent une place.

- Dans les formations non sélectives, c'est-à-dire les licences de l'université, par contre, vous pourrez recevoir trois types de réponses : oui (vous êtes admis sans condition au vu de votre dossier et du nombre de places disponibles), en attente (vous ne pouvez être admis au vu de votre dossier et du nombre de places disponibles), et oui si.

La réponse "oui si" signifie que vous êtes admis à condition de faire un parcours spécifique. Ces parcours peuvent être des remises à niveau d'un an spécialement conçues pour vous donner toutes les chances de réussir une licence. Des universités comme Paris 2 et La Rochelle testent déjà ce type de parcours depuis quelques années avec succès. Entre l'admission en L1 (qui débouche souvent sur un échec) ou le refus, il y a donc une nouvelle voie qui peut permettre notamment à des bacheliers professionnels ou technos de préparer une licence en 4 ans...

Qui aura le dernier mot ?

La question a été posée et reposée tant la crainte de certains étudiants de se voir refuser le droit de poursuivre des études est vive. Il y a deux cas possibles :

- L'université a assez de places par rapport aux demandes. Dans ce cas, un candidat ne pourra se voir refuser au motif que son dossier n'est pas assez bon, mais par contre, l'université pourra lui imposer un parcours spécifique via la réponse "oui si". Comme l'a exprimé la ministre Frédérique Vidal dans le Facebook Live du 2 novembre : "Le lycéen aura le dernier mot pour le choix de la filière, mais l'université a le dernier mot pour le choix du parcours".

Comme l'indique le ministère de l'Education nationale, "les formations non-sélectives n’auront pas la possibilité de refuser un bachelier si des places restent vacantes. En revanche, elles auront désormais la possibilité de conditionner l’inscription à l’acceptation d’un parcours pédagogique spécifique dans le cas où elles estiment que le bachelier n’a pas les attendus requis. Ces dispositifs auront vocation à rapprocher les profils des étudiants des attentes de la formation pour encourager la réussite. Ils  seront valorisés par l’obtention de crédits ECTS".

- L'université a plus de demandes que de places. Dans ce cas, elle prend d'abord les candidats dont le dossier correspond le mieux aux "attendus", certains peuvent aussi faire un parcours spécifique, et les autres sont placés "en attente".

Que deviennent les candidats qui n'ont que des réponses "en attente" ?

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
C'est bien la question, d'autant que les effectifs de bacheliers devraient encore augmenter dans les années qui viennent... Les candidats ayant les moins bons dossiers ou les bacheliers technos ne vont-ils pas faire les frais des admissions universitaires sur dossier ?

Le plan Etudiants prévoit deux outils :

- Dans chaque académie, une "Commission d'accès au supérieur" devra proposer à chaque étudiant une "solution" dans une filière proche de ses attentes. Ce pourra être une place en BTS, en IUT ou dans une université d'une autre région. Une aide financière pourra être proposée à un étudiant qui devrait déménager.  
Cela vaut aussi pour les étudiants qui n'auront fait que des voeux en filières sélectives (BTS ou IUT) et n'auront pas eu de places. Ils ne seront plus obligés (comme au temps d'APB) d'inscrire dans leur liste de voeux une licence universitaire. Là encore, la commission réunie autour du recteur leur proposera une solution.

- La "procédure complémentaire" de la plateforme APB - qui répertoriait les places vacantes durant l'été - continuera d'exister, mais les étudiants sans affectation seront conseillés par la commission d'accès au supérieur. Là encore, l'idée est d'associer l'accompagnement humain à l'outil numérique.
"Jusqu’ici, comme aucun mécanisme humain ne regardait les demandes des élèves, personne n’était capable de leur dire qu’il y avait une place, à 30 km de chez eux, dans le BTS qu'ils souhaitaient, a expliqué Frédérique Vidal dans une interview au Parisien. Conséquence : il reste actuellement 137 000 places disponibles dans l’enseignement supérieur, et parmi elles, près de 10 000 en BTS."

- La ministre reconnait aussi cependant qu'il manque des places dans certaines filières. Des places supplémentaires vont donc être créées dans les filières en tension et de nouvelles classes de BTS vont être ouvertes (pour accueillir davantage de bacheliers professionnels)... Le gouvernement promet au moins 32 000 places nouvelles à l’horizon 2022 dont 7 000 en STS. Pour les accompagner, il va recruter et financer l'équivalent d'au moins 2 500 emplois permanents. Dont acte.

Tous ces efforts devraient ainsi permettre d'offrir à tout bachelier la garantie d'un "droit à poursuivre des études supérieures", mais surtout d'un droit à les réussir !

Un contrat de réussite éducative

Le dispositif APB offrait en effet un droit d'entrée indifférencié tout bachelier à l'université... Egalité juridique et technique qui débouchait en pratique sur un échec massif des bacheliers les moins bien préparés à ce type d'enseignement.

Désormais, les universités proposeront à chaque étudiant un "contrat de réussite éducative". Elles devraient diversifier de plus en plus les parcours notamment en L1 (première année de licence).

"Les parcours, indiquent le gouvernement, pourront être pluridisciplinaires, construits à la carte, accélérés ou accompagnés, de durées variables, ils pourront s’interrompre et se reprendre en valorisant les acquis". On pourra donc bientôt faire une licence en 2, 3, ou 4 ans... On sait par exemple que des étudiants pourront désormais faire une année de césure entre le bac et la première année d'études supérieures tout en gardant le statut étudiant. 

La modularité et la souplesse devraient donc progresser, une vraie révolution à l'université française ! Pour cela, il est prévu "un directeur des études par grand champ disciplinaire" pour suivre les étudiants et leur contrat de réussite pédagogique". Sur le papier, le projet est prometteur, mais il faudra sans doute plus d'un an pour mettre tout cela en place car c'est une vraie refonte du cycle licence qui est engagée.

Pour les futurs étudiants, pour l'instant, la priorité doit aller plus que jamais à l'information et à l'implication : profitez du temps avant l'ouverture de la plateforme Parcoursup pour réfléchir à votre orientation, rencontrer des professionnels, visiter des salons, des établissements et dialoguez ! Vous serez ainsi prêts à poser de bons choix en 2018.



Rédigé par le Vendredi 10 Novembre 2017
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