Milène, 29 ans : 'Je ne croyais plus pouvoir être aimée '





Comme la plupart des enfants j’avais un grand intérêt pour tout ce qui était positif pour le monde, je croyais que le socialisme était une politique qui voulais tout mettre en œuvre pour aider les plus pauvres, je fuyais les conflits des clans de ma classe et restais à l’abri avec ceux qui n’avaient pas d’amis. Souvent, je priais, j’avais soif d’une bonté sincère et parfaite. Enfant, j’étais un peu garçon manqué, quand je suis entrée au collège j’ai eu du mal à accepter que les garçons me regarde comme un fille, avec une certaine convoitise qui, non assouvie, se transformait immanquablement en haine et en critique. C’est un âge assez cruel où l’on fait encore ses dents.
Disposant d’un peu d’argent de poche, j’avais régulièrement de quoi m’offrir des revues. L’usage des revues féminines de plus ou moins bonne qualité était très courant à la maison. C’est tout naturellement que je me suis mise à me procurer et à empiler les différents magazines proposés aux ados. C’était le début des « J.& J. », par exemple. S’il me laissaient finalement assez « libre » sans me poser trop de questions, le dialogue avec mes parents n’était pas spécialement ouvert, notamment sur les questions affectives et de fait cela me convenait bien. Mais j’avais bien sûr un certain nombre de questions auxquelles je trouvais pour toutes réponses les scenarii des feuilletons-télé et ces magazines qui prétendent vous apprendre la vie. Ceux-ci évidemment déculpabilisent la plupart du temps sur toutes sortes de situations (précocité affective, avortement, blessures infligées aux garçons, et c.). Ils ne m’ont cependant jamais expliqué comment construire ma vie d’adolescente libre ni surtout ma future vie de femme et n’ont pas su m’apprendre à aimer et à me donner entièrement par amour.

Je perdais peu à peu l'estime de moi-même

A partir de quinze ans, j’ai eu souvent des petits amis, mais même si mon sentiment amoureux était sincère, même si j’avais une réelle grande affection et de l’admiration pour le garçon, je rompais automatiquement dés que cela devait devenir régulier, parce que je savais bien au fond de moi que je ne pouvais pas encore tout donner et que je n’étais pas en disposition de construire une vraie relation de couple.
Ces différentes petites amourettes avaient pour conséquences le fait que je perdais peu à peu l’estime de moi-même, et que je perdais tout espoir de construire un jour quelque chose de vrai avec quelqu'un. Au lycée je suis tombée amoureuse encore une fois et j’ai fait patienter très longtemps le garçon avant de sortir avec lui, puis nous sommes restés un an ensemble, un été plus de nouvelles, un an plus tard il a réapparu et j’ai succombé de nouveau à son charme, nous sommes restés de nouveau un an ensemble, et puis suite au décès accidentel d’un très cher ami commun je n’ai plus jamais eu de nouvelles de lui. Il n’y a jamais eu d’explication à cette rupture. Mais je pensais être devenue une adulte et donc j’estimais pouvoir construire une relation amoureuse stable, nous devions nous fiancer (…un jour). Pour ma part, j’avais tout investi dans cet amour où je m’étais toute donnée avec sincérité et confiance.

Nous nous demandions pardon à chaque fois que nous nous voyions

A la suite de ces deux disparitions je suis devenue très malheureuse, et je perdais même le désir de continuer à vivre. Je me suis remise à prier, implorant Dieu qu’il reprenne ma vie ou en fasse quelque chose de bien. J’invoquais Marie et aussi cet ami perdu. Et petit à petit je cicatrisais intérieurement. Et je commençai un chemin qui devait rencontrer celui de Stéphane, mon mari.
Comme je continuais à croire en Dieu, j’ai participé à des pélés d’étudiants où je l’ai croisé. Lui aussi avait eu des blessures dans son histoire. Mais il disait que sa foi en Dieu l’avait beaucoup aidé à s’en sortir. Il avait même pu prendre des engagements pour aider les autres auprès de jeunes sidéens, par exemple. Sa capacité de reconnaissance et d’engagement ont su me mettre en confiance, mais cela a demandé du temps. Pendant notre année de fiançailles, j’ai souvent voulu lui demander des gages de son amour. Ayant perdu l’espérance de pouvoir être aimée telle que je suis, je ne croyais pas que c’était possible, remettant toujours en cause son amour pour moi je l’ai souvent blessé. Ce qui a participé à la guérison de cette blessure, c’est les échanges de pardon que nous faisions. Au début nous nous demandions pardon presque à chaque fois que nous nous voyions.

L’engagement que nous avons pris dans le mariage a fortifié encore notre amour et nous aide encore à nous donner de plus en plus totalement. Aujourd’hui, (quatre ans plus tard) nous avons trois enfants, malgré les fatigues, les défauts que nous portons encore et notre histoire ancrée en nous, nous espérons encore aimer l’autre davantage et mieux demain en nous appuyant sur notre promesse de fidélité, sur le pardon et sur l’amour de Dieu pour nous.

Milène, 29 ans

7 Mai 2019
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