La cote Argus des valeurs morales


Ce n’est pas sans nous rappeler ces bouquins ridiculement datés qu’on trouvait, en vacances, dans les bibliothèques de nos grands-mères : « La bonne conduite à table », « Comment faire la fierté de ses parents quand on est reçu à goûter chez la comtesse de Bellâge de Faÿe », et autres traités qui nous incitaient à faire exactement le contraire de ce qu’on y avait lu au dîner du soir, juste pour voir. Et pourtant, une fois que, en se bouchant le nez, on s’y est plongé, ce bouquin est finalement assez sympathique.



Certes, il nous parle de " fidélité", de "respect", de "conscience", voire de "devoir" et de "politesse"… Autant d’idées dont la simple évocation suffit normalement à donner des boutons à n’importe quel adolescent "normal". Mais il le fait avec un langage et un style bien éloignés des « Sophie était bien inquiète. Elle savait bien qu’elle ferait une peine terrible à sa chère mère si elle lui avouait qu’elle avait dit « zut ! » à son cousin Paul », des livres dont je parlais plus haut. Paul Clavier - c’est l’auteur - parle à ses lecteurs comme on parle normalement à des adultes intelligents, et surtout, surtout, n’assène pas de « leçons de morale » : il ne nous dit jamais « Fais ceci, fais pas ça, dis bonjour à la dame, mets pas tes doigts dans ton nez, mentir c’est très laid, prudence est mère de toutes les vertus, et la guerre, c’est moche », et c’est heureux, car c’est en effet insupportable à entendre. Non, Paul Clavier fait beaucoup mieux : il pousse son lecteur à arriver lui-même à ces conclusions. Et comme il est bien connu qu’on ne retient bien que ce qu’on a trouvé soi-même (Einstein n’a jamais oublié ce que voulait dire son E=MC2, alors que moi si…), il est probable qu’on se souvienne encore de ces règles de vie, que nos parents n’ont jamais réussi à nous faire rentrer dans la tête, au moment de notre mort…

De A comme Amitié à V comme Vérité

Et puis Paul Clavier a aussi compris qu’on apprend bien mieux en s’amusant. C’est pour cette raison qu’il a parsemé son livre de calembours, de jeux de mots, et de référence littéraires : jonglant allègrement entre le « torchecul » de Rabelais et la « ballade du duel qu’en l’hôtel bourguignon Monsieur de Bergerac eut avec un bellitre », en passant par Lucky Luke et l’inénarrable Rantanplan, le chien le plus stupide du Far West, il nous arrose de citations, de références plus ou moins fines, que certains ne saisiront peut-être pas toutes, mais qui illustrent, toujours heureusement, tel ou tel article. Ah, j’ai oublié ça, aussi : ce bouquin est une sorte d’encyclopédie qui recense, par ordre alphabétique, les valeurs morales, ce qui veut dire qu’il est tout à fait possible de n’en lire qu’un petit bout par-ci par-là, dans le désordre qu’on veut, ou de s’y reporter quand on a un doute sur la moralité de l’une ou l’autre de nos actions.

La fierté ? une bonne chose, l'humour ? toujours d'actualité

Quelques exemples pour illustrer mon propos :
- " Euh, ce matin je me suis regardé 10 minutes dans la glace… C'est pas un peu trop ? " : hop, article fierté , et on en ressort tout rassuré de savoir que la fierté n’est pas un mal, et que s’aimer soi-même est une bonne chose.

- " N’aurais-je pas un peu abusé en racontant la blague de Toto à l’école au directeur alors qu’il était en train de menacer de me renvoyer ? " ; article humour : « Ne vous dîtes jamais que ce n’est pas le moment de plaisanter ». Ben voilà, en annonçant à vos parents que vous êtes renvoyé 3 jours pour « insolence », pensez à leur raconter celle de Toto au commissariat…

Voilà donc un bouquin utile, bien fait, simple, intelligent… Pour conclure, je dirai que ce livre à tout de même un gros défaut : sa couverture est rose vif, et je ne trouve pas ça très beau… Mais ça n’engage que moi.


Fikmonskov
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