Faut-il avoir peur de la pornographie ?

Tags : sexualité

Sur Internet, les chaînes de télé, les magazines, au cinéma... le porno est partout, à portée de clic et de regard. Faut-il en rigoler, y goûter pour s'instruire ou s'en méfier ?



Pourquoi la pornographie attire-t-elle autant ?

Beaucoup le savent, pour l'avoir expérimenté. L'image pornographique agit comme un aimant, c'est l'image choc par excellence. "Lorsque j'ai vu pour la première fois un film porno, j'ai été fortement choqué par ces images, et à la fois attiré", raconte Cyril, 20 ans.


Pourquoi cette attirance ? D'abord parce que l’objectif des images pornographiques est de susciter le plaisir par la vue. Or la vue, comme le toucher, est une des premières causes d'excitation sexuelle, particulièrement chez l'homme. "Des formes ou des tenues sexy chez une fille stimulent le cerveau masculin, explique le Dr Gwénola Dubrule, cela augmente la production de testostérone, l'hormone qui contribue à la fabrication du sperme, d'où une excitation physique qui peut aller jusqu'à une érection" .

En plus, ces images mettent en scène des actes sexuels, actes des plus intimes qui soient ! Avec l’éveil amoureux et les poussées hormonales de l'adolescence, il est sûr que la curiosité envers la sexualité, le corps et l’acte sexuel est forte. On a peur et on est attiré à la fois. L'image et le film porno surexploitent cette curiosité : mais au lieu de lever simplement le voile sur quelques scènes érotiques, ils vous gavent d'actes sexuels et de scènes crues jusqu'à l'indigestion !

D'où le choc, provoqué par un déversement intérieur de pulsions et d'émotions : étonnement, malaise, dégoût (c'est ça l'amour !!). Ces images s'impriment profondément dans la mémoire. Et on se souvient en général très bien de ce premier choc, surtout si l'on est encore jeune et qu'on n'a pas beaucoup d'autres images de l'amour : "J'avais 13 ans, mon frère de 12 ans a invité un mercredi après-midi des copains de classe, raconte Cyril. L'un d'eux avait amené un enregistrement d'un film porno de Canal+. Je me rappelle avoir eu comme un sentiment de dégoût envers ma propre mère en l'imaginant faire ces actes."

Utile pour découvrir le sexe ?

La pornographie ne permet-elle pas, cependant, de découvrir la sexualité ? Le problème, c'est que ce n'est pas la sexualité réelle qu'elle met en scène, mais tous les fantasmes masculins : des actes sexuels à répétition, des femmes insatiables, des organes génitaux en veux-tu, en voilà...
"L’œuvre pornographique est destinée à exorciser la crainte qu’ont les hommes de ne pas assurer, et en particulier de ne pas avoir une verge en érection suffisante pour combler la féminité", explique Olivier Florant, sexologue et écrivain. Il n'y a qu'à voir des petits garçons comparer la taille de leur pénis.

Résultat : "beaucoup de garçons finissent par réduire la sexualité à ces images, explique Isabelle Lebertre, sexologue également. Ils ont en tête des représentations qui ne correspondent pas au réel, par exemple l’idée que l’homme doit soumettre la femme, ou qu’il faut "jouir" de façon extrême."

En juillet 2008, la Smérep, grande mutuelle étudiante en Ile-de-France annonce la création d'une consultation de santé sexuelle. Motif ? De nombreux jeunes n'ont eu que les films pornographiques comme source d'information et sont dans le désarroi, expliquent les responsables santé de la mutuelle. "Cela les fourvoie dans leurs pratiques sexuelles, et conduit certains à des incompréhensions dans leur vie de couple".

Et l'amour dans tout ça ?

Le fait est que les couples qui comptent là-dessus pour pimenter leurs ébats voient souvent leur relation chavirer rapidement. C'est que le film ou l'image porno ignore la relation, en faisant du plaisir une simple prouesse physique et de l'autre un partenaire-objet. Alors que la manière la plus sûre de jouir d'une relation sexuelle en trouvant les caresses les plus satisfaisantes est de se donner dans la confiance à la personne dont on est amoureux, le porno élimine la tendresse et l'écoute de l'autre. Pas de respect (en particulier envers la femme) mais un esprit de domination et parfois de violence. Et l'amour ? Evincé, alors que c'est l'amour qui rend la sexualité vraiment humaine.

Au final, l’excitation physique déconnectée de toute relation amoureuse produit plus de frustration que de satisfaction. Certains gardent l'obsession d'images avilissantes ou éprouvent du dégoût. "Beaucoup des jeunes qui nous parlent de leurs difficultés, ont perdu toute estime d'eux-même", remarquent les intervenants santé de la SMEREP.

Peut-on devenir ''porno-dépendant'' ?

Malheureusement oui, comme beaucoup en témoignent : "J'ai souvent éprouvé un désir violent de revoir ce genre d'image, dit Cyril. Ce désir n'est pas à proprement parler physique, mais c'est comme un phénomène de dépendance." Parfois il faut augmenter la "dose" comme pour une drogue et voir des scènes encore plus crues.

D'après les psys, les personnes les plus fragiles auraient un manque à combler sur le plan affectif ou psychologique ; ceux qui ne se sentent pas bien dans leur peau, seuls, ou encore mal à l'aise avec le sexe opposé seraient plus vulnérables. Mais comme face à toute addiction, on peut aussi résister ou "guérir".

Quelques conseils d'ami

- Il suffit d'un clic... pour être scotché, mais aussi pour dire non. Pour ne pas vous faire piéger, adoptez le réflexe d'actionner tout de suite la télécommande ou la souris pour chasser l'image tentante dès qu'elle se présente.
- N'ayez pas honte de vous-même, mais reportez votre dégoût sur ces productions, cette industrie et ce commerce qui utilisent avilissent des hommes et des femmes.
- Si vous avez du mal à vous dégager des mauvaises habitudes, ou que des images vous obsèdent, allez en parler, à un médecin, un psy, un conseiller conjugal, une personne de confiance...
- Nourrissez votre imaginaire d'autres images, d'autres films et d'autres émotions : beauté, amour, tendresse, amitié...

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