Et si on remplaçait le bac par... : les meilleurs textes du Prix Charlie Hebdo

Tags : bac culture

Le concours littéraire lancé par Charlie Hebdo auprès des 12-22 ans a trois lauréats. Les collégiens, lycéens ou étudiants devaient rendre le texte le plus drôle et irrévérencieux possible sur le thème "Et si on remplaçait le bac par..."




"J'ai réussi à écrire ce petit texte insignifiant grâce aux questions existentielles que je me pose chaque jour. Celle qui m'a inspiré en voyant le sujet est la suivante : "Mais en fait, pour qui je travaille ?". J'essaie souvent d'y répondre...."

Ainsi s'exprime (plutôt fort bien) un jeune de 13 ans, de Guyane française... Il a fait partie des 1349 "écrivains" de 12 à 22 ans qui ont participé au Prix Charlie Hebdo, un concours d'écriture lancé par l'hebdomadaire satirique en février et qui a dévoilé, le 8 juin, les trois textes gagnants.

Les jeunes étaient invités à composer un texte sur le thème "Et si on remplaçait le bac par..." Apparemment, le sujet a été inspirant. Mais il ne suffisait pas de tirer à boulets rouges sur le bac, le système scolaire ou les profs pour être distingué. Il fallait le faire avec talent et humour, deux marques de fabrique de Charlie, (re)devenu tristement célèbre depuis l'attentat du 7 janvier 2015.

Finalement, le jury composé des dessinateurs et journalistes de Charlie Hebdo a distingué dix finalistes, et les internautes ont voté pour choisir les trois lauréats.

1er Prix, Enorahope : "Je crie de remplacer le bac par un haut-parleur'

Le premier gagnant est "Enorahope" - c'est son pseudo - une fille de 15 ans qui profité du concours pour dire sa hargne de ne pas être écoutée.

On lui parle du bac alors qu'elle aimerait dire son angoisse de ne pas savoir où la mène tout ça. "Ils me disent que je suis trop bavarde, écrit-elle. Ils me disent que je n'aurais pas mon bac. Ils me disent que je n'écoute pas assez, que je ferais mieux de me taire. Mais j'aimerais bien, moi, les écouter !"

Son texte (titré "Ils me disent") continue sur ce ton, pas vraiment drôle mais rageur, de la rage de l'adolescence et il conclut : "Moi, je pense qu'au final, c'est eux qui ne m'entendent pas très bien. Ils n'écoutent pas assez. Alors je crie, du plus profond de mon cœur, de remplacer le bac par un haut-parleur."

2è prix, Tiliotte : "Et si on remplaçait le bac par le parcours d'un migrant"

Le deuxième lauréat est Tiliotte, 16 ans. Son texte est sans doute le plus politique, puisqu'il se permet de comparer avec talent le parcours du candidat au baccalauréat avec le voyage d'un jeune migrant vers l'Europe. L'humour noir marche à fond : tous deux ont quelque chose à passer, un bac à prendre, un objectif à atteindre.

Et l'écrivain en herbe file la métaphore. Le jeune migrant voit aussi se succéder les épreuves : géographie (pour trouver la bonne direction), maths (pour calculer la distance), sport (natation bien sûr). "Ceux qui seront retrouvés morts sur les plages auront l’obligeance de ficher le camp le plus rapidement possible afin de laisser la place aux prochains candidats, écrit-il. Enfin, l’ultime épreuve n’aura lieu que si vous arrivez à bon port. Il s’agit des langues : espagnol, français, anglais, allemand…"

3è Prix, Kaptain'Globule : Le Jour J d'un ectoplasme

Enfin, ne ratez pas le texte de Kaptain'Globule, brillant, imaginatif, grinçant, burlesque. Tout à l'image des dessins de Charlie. Il raconte ce "Jour J, jour maudit" où le matin du premier jour d'épreuves, il est fauché par un camion poubelle en se rendant au centre d'examen. Quel dommage !

"Enseveli sous les ordures, je me trouvais un peu con, écrit le candidat malheureux. Mourir fauché par un camion poubelle le matin de la première épreuve du bac. Mourir avant d'avoir connu les sueurs froides procurées par la dissertation de philo, aussi appelée désintégration accélérée des neurones. Rayé de la liste du baccalauréat. Coché absent. Quel malheur."

Et ça continue sur ce ton. Son fantôme s'élève sur la ville et observe la horde des candidats découvrant un des sujets de philo : "La mort donne-t-elle un sens à la vie ?"

"Je n'en savais rien, écrit-il, et à vrai dire, en tant que défunt, j'allais avoir le temps nécessaire pour y réfléchir ultérieurement. Je me penchai à la fenêtre, regardant mes camarades de chair et d’os s'agglutiner devant l'entrée, dégainant leurs cartes d'identité avant l’heure fatidique. D'un seul geste, presque théâtral, je jetai les sujets du haut du bâtiment. Une pluie de feuilles encore classées secret-défense s'abattit sur la cour surpeuplée. La télévision fut sur place quelques minutes plus tard. Le chaos national s'en suivit. Sujet découvert, annulation de l’épreuve, panique totale, apocalypse au Ministère de l’Éducation Nationale."

Découvrir tous les autres textes

Vous avez envie d'en lire plus ? Vous avez raison parce que les textes finalistes (et sans doute beaucoup d'autres) sont tous excellents. "Nous avons été étonnés par la qualité et la liberté de cette production, même de la part d'adolescents très jeunes", ont déclaré les membres du jury à l'annonce des résultats.

Eh oui, les vieux collaborateurs de Charlie Hebdo n'ont qu'à bien se tenir : la relève est là ! Il faut dire qu'en choisissant le thème du bac, ils ouvraient la boite de Pandore d'où s'échappe sans problème un beau cortège de rancoeurs anti-école.

On peut découvrir les textes des dix finalistes sur le site http://leprixcharlie.fr


 



Rédigé par le Jeudi 9 Juin 2016
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