Enseignement supérieur : les nouvelles réformes envisagées pour les étudiants


Les Assises de l'enseignement supérieur ont rendu leur rapport préconisant une grande réforme de plus : partenariats entre grandes écoles et universités, nouvelle allocation étudiante, fin des cours magistraux... Point des propositions qui concernent le plus les étudiants et devraient déboucher sur un projet de loi au printemps 2013.




Remise du rapport des Assises de l'enseignement supérieur. Crédit : Elysée, C. Alix
Les Assises de l'enseignement ont rendu leur copie. Fin décembre 2012, cette gigantesque concertation qui a impliqué tout l'automne les divers acteurs de l'université française a abouti à un rapport qui liste les propositions de réforme... et devrait servir de base à une loi votée en 2013.

Si nombre de points concernent l'organisation de la recherche et de la gouvernance (souhaitée plus démocratique) des universités, plusieurs s'attachent aussi à améliorer la réussite des étudiants et leurs conditions de vie. La pédagogie n'est pas non plus oubliée.

Assurer une continuité entre le lycée et l’enseignement supérieur

Le rapport pointe la trop grande rupture entre l'univers du lycée et celui de l'université, d'où les difficultés de nombreux étudiants en L1. Il préconise donc de casser les barrières qui séparent les deux univers ou plutôt de créer des liens et des rencontres : permettre à des lycéens d'aller suivre un cours en fac par exemple (ce que se fait déjà par endroits)... mais aussi de passer un examen qui permettrait de capitaliser des crédits (ECTS) par avance... Pas sûr qu'un nouvel examen à passer l'année du bac soit retenue mais pourquoi pas ?

Autres suggestions : permettre aux profs du secondaire et du supérieur de se rencontrer et d'harmoniser davantage leurs méthodes et leur pédagogie. Le rapport suggère de réintroduire les "travaux personnels encadrés" (TPE) au lycée et d'encourager les travaux de groupe ou de recherche qui rendent le lycéen AU-TO-NO-ME.
De même davantage d'étudiants devraient pouvoir aller dans les lycées pour parler de la vie étudiante, notamment ceux qui seront en formation pour devenir enseignant.

Réformer la licence pour aller vers une spécialisation progressive

Sur ce point, le rapport n'innove pas mais confirme une direction déjà engagée par le précédent gouvernement et le plan "Réussir en licence". De plus en plus, la première année de licence (L1) regrouperait tout un champ de disciplines (par exemple, physique, chimie, maths et numérique) et l'étudiant choisirait progressivement sa spécialisation en L2 et en L3. Une façon d'aider les étudiants à s'orienter en douceur, et surtout d'éviter les redoublements ou les pertes de temps.

Les cours en petits groupes devraient aussi être développés pour mieux encadrer les étudiants. Là encore, rien de nouveau puisque le mouvement est déjà enclenché. Reste cependant à financer ce changement d'échelle qui exige bien sûr davantage d'encadrants et d'enseignants. Les enseignants chercheurs, eux, devraient être mieux formés à la pédogogie et avoir par roulement un minimum de cours à donner au niveau licence : voeu pieu ? L'avenir le dira.

Enfin le rapport redit qu'il faut simplifier l'intitulé des diplômes universitaires : il existe des milliers de licences et de licences professionnelles différentes que les entreprises peinent à repérer, ne comprenant quelles compétences elles donnent au diplômé !

Faciliter l'accueil des bacheliers technologiques en IUT, des bacs pro en BTS

Encore un serpent de mer... Le fait que les IUT et les classes de BTS privilégient systématiquement dans leur recrutement les "meilleurs élèves" souvent dotés d'un bac général a pour conséquence d'empêcher ceux qui arrivent des filières technologiques et plus encore professionnelles d'accéder à ces classes. Un effet pervers de notre gigantesque système de  hiérarchisation des filières.

Résultat : "20000 premiers voeux de bacheliers technologiques en direction d'un IUT n'obtiennent pas de réponse positive alors que 35 000 bacheliers généraux, eux, l'obtiennent", pointe le rapport qui remarque très justement que "les IUT sont donc majoritairement devenus des voies de contournement de la licence (ou des CPGE)" et ont fini par se caler sur les publics qu'elles ont sélectionnés, excluant donc les autres.

Les réformes suggérées consisteraient donc à donner aux recteurs une autorité sur les affectations dans ces classes, et à demander aux classes de BTS et de DUT de revoir leur pédogogie. De façon générale, le rapport préconise de favoriser le développement de l'alternance dans tout l'enseignement supérieur, et d'innover en créant de nouvelles filières ou méthodes pour mieux intégrer des bacheliers professionnels.

Rattacher chaque classe préparatoire aux grandes écoles à une université

Là encore, c'est un mouvement déjà engagé par endroit, mais que l'actuel gouvernement pourrait bien faire accélérer par la loi. Si le sujet est polémique, c'est qu'il touche à la hierarchisation des filières et à l'égalité sociale. En effet, l'Etat consacre beaucoup plus d'argent à un étudiant en classe prépa dans un lycée public (où l'inscription est gratuite, les cours donnés en classe avec d'excellents professeurs) qu'à l'étudiant de L1 qui doit régler des droits d'inscription et se retrouve perdu au fond d'un amphi et peu suivi.

La suggestion serait d'associer systématiquement une grande école à une université par un partenariat : l'étudiant en CPGE ou en grande école règlerait des drois d'inscription universitaire, mais il aurait accès à tous les services de l'université. La grande école pourrait aussi bénéficier de tous les labos de recherche de l'université et des enseignants chercheurs pourraient venir y donner des cours. Le système pourrait donc être gagnant-gagnant en associant les atouts des deux systèmes. Au passage il peut permettre à certains grandes écoles (notamment de commerce) de résoudre leurs problèmes financiers et d'éviter une inflation des droits de scolarité.

Le modèle des "grandes écoles universitaires" comme le réseau Polytech qui délivre le titre d'ingénieur au sein de l'université est aussi présenté par le rapport comme un bon modèle pour la France. Va-t-on vers la fin de la grande école à la française ?

Mettre en place une initiative nationale d'enseignement en ligne

Encore un point sur lequel la France envie d'autres pays, notamment les Etats-Unis où les grandes universités comme Stanford  ont mis en ligne leur cours et transforment totalement le rapport entre l'enseignant et l'étudiant.

Certes, les universités françaises sont loin d'avoir les moyens des Américaines, mais elles doivent aussi prendre le virage numérique et pas seulement en équipant les locaux de wifi ou d'ordinateurs. "Le numé­rique, ce n'est pas seule­ment un outil, c'est aussi un bou­le­ver­se­ment de notre rap­port aux savoirs, a déclaré Vincent Berger, rapporteur, dans une interview au site vousnousils.com. La connais­sance est par­tout, dis­po­nible en per­ma­nence, sur Internet, sur les télé­phones... Cela modi­fie for­cé­ment le rap­port à l'enseignant. Il n'est plus là pour déli­vrer le savoir mais pour ensei­gner à «savoir savoir». Dans ce contexte, le cours en amphi­théâtre, qui est uni­di­rec­tion­nel, parait désuet, voire anachronique".

Le rapport préconise donc d'un côté de développer des cours en ligne et de l'autre de remplacer nombre de cours magistraux par davan­tage de tra­vaux diri­gés, de tra­vail en petits groupes et d'échanges directs avec les ensei­gnants. "Une tran­si­tion qui se fera sur plu­sieurs années", reconnaît-il, mais qui pourrait révolutionner (enfin) les études à  l'université.

Une nouvelle allocation étudiante

Sur le plan des conditions de vie, le rapport remis au gouvernement reprend une proposition qui court dans les syndicats étudiants depuis longtemps : remettre à plat le système des bourses, et créer une nouvelle allocation d'autonomie sous condition de ressources, qui permettrait aux étudiants modestes d'êre totalement indépendants de leur famille... Les turbulences économiques et budgétaires diront si la proposition (qui figurait dans le programme de François Hollande) peut entrer en vigueur.

Enfin, autre serpent de mer, la fameuse première année commune d'études de santé (Paces) déjà réformée par le précédent gouvernement : le rapport indique que l'on n'a pas résolu le problème de l'échec de nombreux étudiants qui perdent deux ans en ratant le concours et ré-envisage plusieurs options dont l'hypothèse d'un concours à l'entrée juste après le bac. Mais le sujet est si passionnel et si controversé, qu'aucune solution n'a encore été jugée satisfaisante !

L'ensemble du rapport a été remis à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Geneviève Fioraso fin décembre 2012 : elle s'est d'ores et déjà mise au travail pour proposer un projet de loi au printemps 2013 à partir de ces propositions.



Rédigé par la rédaction le Mercredi 9 Janvier 2013
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