« Enceinte, j’ai choisi de garder mon enfant »


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A 23 ans, Anne apprend qu’elle est enceinte. Un électrochoc pour l’étudiante, loin de s’attendre à une telle nouvelle. Que faire ? Garder l’enfant ou avoir recours à l’IVG ? Anne choisit d’accepter sa grossesse. Aujourd’hui maman d’une petite Ines, elle revient sur ce choix et nous fait partager son quotidien. Rencontre avec une jeune mère, rayonnante et pleine de projets.



Peux-tu nous parler un peu de toi ?

J'ai 24 ans, je suis issue d'un milieu assez traditionnel, avec un père grec orthodoxe et une mère catholique fervente. A mon tour, j’aimerais fonder une famille, fidèle aux valeurs reçues à travers mon éducation. Le mariage est important pour moi. Côté études, je prépare actuellement le concours du Capes d’Histoire-Géographie. Je suis tombée enceinte par « accident », après un an et demi d'une histoire très compliquée, avec un garçon musulman que j’aimais profondément. Mais notre relation se détériorait de plus en plus, je m'éloignais progressivement de mes parents. J’ai donc décidé de partir en mission humanitaire à Madagascar pour quelques mois. A travers ce voyage, j’espérais prendre du recul face à mes problèmes de couple. C’est une fois arrivée sur place que j'ai réalisé que j'étais enceinte.

Ta vie a basculé lorsque tu as appris ta grossesse. Comment cela s’est-il passé ?

Tout a commencé à mon arrivée dans les bidonvilles de Tana. Autant vous dire que j'étais toute seule là-bas ! Au début, j’ai paniqué. « C’est pas possible, ma vie va être foutue, mes parents vont me rejeter », me disais-je. Mais en même temps, je sentais cette vie en moi… Si on prend le temps de rester un peu seule face à cet événement, il se passe quelque chose de merveilleux en soi ; on réalise qu’on porte une vie... Bien sûr, ce sont tous les symptômes (nausées le matin, gros coups de fatigue… ) qui m'ont fait réaliser que j’étais peut-être enceinte. J’ai donc effectué deux tests pour m’en assurer. Alors que mon moral baissait depuis des mois, cette nouvelle m’a redonné un indicible espoir. Pourtant, je restais déboussolée. Que faire ?


Comment as-tu réalisé que tu voulais garder ton enfant ?

En fait, quelques jours après mon arrivée, alors que je n’osais pas faire de test tant l’angoisse était forte, j’ai rencontré un Français (que j’avais croisé la veille de mon départ à Paris) qui m’a à son tour présenté des couples d’expatriés. Ces personnes m’ont aidé à prendre du recul face à la nouvelle. Loin des miens, j’ai pu me confier à elles. Pour prendre une telle décision, il faut réfléchir à tout : qu'est-ce qu'un bébé, les joies, les bouleversements, les aides que nous avons la chance d'avoir dans notre pays (crèche, soutiens financiers…). Je n’avais pas de pression particulière, bien que le père soit tiraillé entre la joie et la volonté de sa famille de me voir avorter. Alors j’ai essayé de faire le vide. Puis j’ai pris un vol pour Paris, le cœur rempli de doutes : comment cela va-t-il se passer avec ma famille, avec le papa ? Quel avenir m'attend ? Mais au fond, je me sentais de plus en plus sereine, réconfortée par cette vie en devenir.


Comment l’as-tu annoncé à ton entourage ?

Je l’ai d’abord annoncé au père de l’enfant, peu après avoir fait les tests. J’ai juste pris le temps de me calmer avant de me lancer. Pour la famille, j’ai écrit une lettre à mes parents depuis Madagascar, avant de les appeler pour en parler avec eux. Quant à mes amis, j’ai attendu près d’un mois après mon retour avant de leur faire part de la nouvelle. Il m’a fallu du temps pour le dire, pour m’habituer à ce changement de vie.


Les réactions ne se sont pas fait attendre…

Oui, le papa a été ému, heureux. Mais après en avoir parlé à sa mère, il semblait catastrophé, pris de panique… Comme quoi dans un tel moment, on est très influençable, tant la nouvelle nous fragilise. Je lui ai donc dit qu’il pouvait me quitter s’il n'acceptait pas le bébé, parce que soit je le gardais, et je ne voulais pas de reproches, soit je ne le gardais pas et alors ça signifiait que tout était fini entre nous. Je voulais que le papa soit heureux pour nous. Un bébé reçu dans l’amour est l’une des plus belles joies que la vie peut nous offrir.
Avec mes parents, ça a été très dur : mon père était ému, ma mère choquée, triste, et ne voulait pas me parler avant que je rentre. A mon retour, on a finalement tout mis à plat (notre relation, ma vie, mes études, le papa, les joies, les difficultés...) et au fur et à mesure de ma grossesse, nous nous sommes retrouvés. Aujourd’hui, on s’entend à merveille alors que depuis ma sixième on s'éloignait, les relations étaient au plus mal. Ce bébé a été accueilli par ma famille comme jamais je n’aurais pu l'imaginer! Je pensais être reniée, et finalement je me suis rapprochée des miens.
Mes amis, eux, s’en sont tous réjouis, même si certains ont eu peur pour moi. Je ne leur en ai parlé qu’après avoir pris ma décision définitive. Tout s'était calmé autour de moi ; j'étais sereine et heureuse, alors comment ne pas l'être pour moi ?


Sorties, études, projets… Etre maman et étudiante à la fois, c’est dur ?

C’est fatiguant mais pas si dur que ça ; on sort moins le soir mais on est tellement heureuse qu’on n’y pense pas. La naissance d’Inès fut le plus beau jour de ma vie : découvrir ce petit bout de chou ; j’en ai pleuré d'émotion et pourtant les choses allaient au plus mal avec le papa. Mais on oublie tout : ce bébé m'a sauvé. La vie change, mais les amis et la famille sont un soutien, plus que jamais. Et puis un bébé n’apporte que du bonheur ; il n’est pas responsable des moments difficiles. Il faut tout de même savoir se préserver pour éviter une fatigue excessive. Quand je regarde ma petite fille, j’ai l’impression d'être la plus heureuse des mamans; tous les soirs je m'émerveille de ce cadeau qui m’a été fait.


Comment vois-tu l’avenir ?

Pour l'instant je suis heureuse; je profite de mon bébé et je me concentre sur mon concours. Mais je n’exclus pas de rencontrer un homme avec qui je pourrais fonder une famille sur des bases solides, qui acceptera cette petite fille. Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir refaire notre vie, les mentalités étant plus ouvertes. Je suis encore jeune. Inès m’apporte chaque jour plus de joie et de sérénité. Je sais que je peux la rendre heureuse ; parce qu'un bébé a surtout besoin d'avoir une maman épanouie.


Que conseillerais-tu à une jeune fille qui apprend sa grossesse ?

Surtout de se poser les bonnes questions, en faisant abstraction de l’entourage : on est seule face à cette nouvelle. On est parfois deux (le papa peut l’accepter, mais s’il refuse il ne faut pas se laisser influencer) ; c’est à nous de décider. Dans les deux cas (avortement ou pas, Ndlr), notre vie est chamboulée. On reste marquée. A Madagascar, on m’a dit une phrase qui m’a beaucoup touchée : « Personne n’a le droit de prendre la décision à ta place ». Un bébé est un rayon de soleil quotidien. Il apporte souvent beaucoup dans les difficultés. Personnellement, ma petite Inès m’a sauvée et à chaque fois que je la regarde me sourire, je réalise combien je suis chanceuse ; parce qu’il ne faut pas oublier toutes ces femmes qui ne peuvent pas avoir de bébés.

8 Juin 2013
Propos recueillis par François-Xavier Maigre
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