Comment être attentif : une conférence donne les clés de l'attention


Plus de 10 000 personnes en France ont suivi la conférence sur l'attention et la concentration organisée par France Inter, le 5 février 2019, autour de plusieurs experts du cerveau. Alors, comment se rendre attentif et le rester ? Reportage.




Quel est le point commun entre une funambule, des neuro-scientifiques, un magicien illusionniste et une universitaire membre du Conseil scientifique de l'Education nationale ?

C'est que chacun d'eux est un expert des subtils mécanismes par lesquels notre cerveau parvient à se rendre attentif à quelque chose, à se fixer sur un sujet quelques instants avant de papillonner vers un autre.

Le 5 février 2019, dans le grand Studio 104 de Radio France, Mathieu Vidard, animateur de l'émission scientifique de France Inter "La Tête au carré" avait donc réuni ce plateau étonnant pour évoquer "les clés de l'attention et de la concentration", dans le cadre d'un cycle de conférences sur le cerveau.
Et plus de 10 000 personnes en France ont suivi l'événement en direct depuis 150 salles de cinéma partenaires.

Des mécanismes attentionnels en partie involontaires

C'est que le sujet passionne autant qu'il préoccupe. Bombardés de messages et scotchés à nos portables, il est vrai que nous courons souvent après la concentration idéale.
Alors, ces clés de l'attention et de la concentration, quelles sont-elles ?

"Trois réseaux de neurones régissent notre attention", explique Lionel Naccache, neurologue et auteur de l'ouvrage Parlez-vous cerveau ?. Le premier est un réseau attentionnel d'alerte qui se déclenche si un danger survient et réveille notre vigilance. Un pin-pon retentit et nous dressons la tête, l'oreille aux aguets.

Le mécanisme est quasiment réflexe et nous n'y pouvons pas grand chose. De même que pour le deuxième système qui oriente notre attention dans l'espace et nous fait prendre conscience de notre environnement. Un mécanisme encore largement involontaire.

Une attention limitée et très fragile

C'est donc sur le troisième réseau que nous pouvons agir : "Le réseau neuronal du système exécutif nous permet de contrôler le flux de notre pensée et de rester connecté sur une tâche, ce qu'on appelle la concentration", explique Lionel Naccache. 

A ce stade, les 10 000 spectateurs de la conférence ont bien sûr espéré acquérir de super-pouvoirs de concentration. Mais cette capacité de contrôle de notre attention - si elle est bien réelle - est aussi très fragile. Ce qu'ont vite démontré en live quelques petits jeux d'observation comme celui consistant à donner rapidement à haute voix la couleur de chacun de ces mots :

Vert - Rouge - Jaune - Bleu

Si nous peinons à le faire, c'est que notre contrôle exécutif cherche à déchiffrer les mots, puis à identifier les couleurs. Cela fait deux tâches au même instant, or, s'il est une chose que retiendront tous les participants de la conférence, c'est que le cerveau ne peut être réellement attentif qu'à une chose à la fois.

Comment les magiciens se jouent de notre (in)attention

La fragilité de l'attention humaine, c'est le pain béni des magiciens illusionnistes comme Raphaël Navarro, scénographe et enseignant au Centre national des arts du cirque (CNAC).

"En magie, on utilise une dizaine de procédés pour créer l'illusion", explique-t-il lors de la conférence sur les clés de l'attention. Démonstration avec le tour de la pièce de monnaie qu'il fait illico disparaître en la passant d'une main à l'autre sous les yeux des spectateurs...

"En réalité, la pièce est sur mes genoux", révèle-t-il. Et d'expliquer comment il a utilisé la loi qui pousse à suivre le regard du magicien. "J'ai regardé ma main vide, et vous avez suivi." Mais pour que le spectateur cesse de fixer l'autre main, il utilise aussi "la parenthèse de l'oubli" : "Si j'intercale trois gestes entre le début et la fin du tour, vous ne pensez plus à regarder la main de départ"... Et voilà comme l'on se joue de notre inattention naturelle !

Stopper le multitâches pour cibler les mini-missions les unes après les autres

"Le contrôle de l'attention est à la fois fort et faible, confirme Jean-Philippe Lachaux, autre neuroscientifique présent le 5 février et grand spécialiste des mécanismes de l'attention.

Ses expériences concluent à l'impossibilité de conduire deux tâches simultanément, à moins que l'une soit simple et automatisée (comme se laver les dents). "Nous ne sommes pas multitâches et quand le cerveau se trouve face à deux tâches, en réalité, il bascule de l'une à l'autre". Le ralentissement et la perte d'efficacité sont assurées. 

Plutôt que de diviser notre attention avec des tâches qui entrent en conflit (comme suivre un cours tout en lisant son ses messages par exemple), le chercheur conseille donc de décomposer un travail en "mini-missions" : "on verrouille alors son attention sur une mini-mission en oubliant les autres, et on la fait comme si c'était la chose la plus importante au monde".

Se placer dans de petites bulles d'attention pour écarter les distractions

Il s'agit de faire "de petits sprints attentionnels" en ayant une intention unique et précise à chaque fois et en sélectionnant uniquement les perceptions utiles. "On se place ainsi dans des mini-bulles d'attention", explique Jean-Philippe Lachaux qui a présenté ses travaux au grand public en 2016 dans une BD intitulée "Les petites bulles de l'attention", chez Odile Jacob.

Reste cependant à gérer les distractions et notamment les sollicitations numériques. Si nous pouvons la stabiliser durant un certain temps, notre attention peut en effet être happée par des perceptions inattendues ou des envies d'évasion. "Notre circuit cérébral de récompense peut nous inciter soudainement à faire une action parce qu'elle va nous procurer de la satisfaction", explique Jean-Philippe Lachaux.

Ce peut être un message bien tentant ou une pensée agréable. Et hop ! notre esprit s'évade...

Retrouver son équilibre attentionnel comme le funambule

Ce difficile maintien de l'attention sur un sujet, Jean-Philippe Lachaux le compare à la performance du funambule qui marche sur un fil et qui compense les pertes d'équilibre par un rapide mouvement de balancier.

Concrètement, le chercheur a lancé un programme éducatif intitulé "Apprendre à être attentif à l'école" (ATOLE) pour aider les écoliers (et maintenant les collégiens et les lycéens) à repérer l'arrivée des distractions et à les écarter, à l'image du funambule qui vacille mais parvient à garder l'équilibre. 

Petit clin d'oeil à ce "cerveau funambule" (autre ouvrage de Jean-Philippe Lachaux), la conférence de France Inter avait convié la funambule Tatiana-Mosio Bogonga qui effectue des traversées sans protection à plus de 25 mètres de hauteur. "Quand je monte sur le fil, je suis déjà prête. Avant, je fais beaucoup de visualisation, je m'imagine faire la traversée", a-t-elle témoigné.

A-t-elle des distractions sur son fil "Pas du tout", répond Tatiana en riant. Et pas trop de stress non plus. 

La funambule Tatiana-Mosio Bogonga au-dessus du Sacré-Coeur de Montmartre en juillet 2018.
"C'est l'exemple d'une attention bien posée sur les bons éléments, commente Jean-Philippe Lachaux : sans trop de contrôle, sans trop de distractions."

L'attention, ça s'apprend

Si nous ne sommes pas tous appelés à vaincre le vertige, nous pouvons par contre nous exercer à mieux maintenir notre "équilibre attentionnel. "Parce que l'attention, ça s'apprend", assure le neuroscientifique qui s'apprête à lancer sous ce titre un Mooc sur la plateforme France Université numérique (www.fun-mooc.fr) au printemps 2019.

On peut ainsi s'exercer à être plus sensible à l'irruption de distractions ou mieux organiser ses séances de travail lorsqu'on est étudiant, comme nous l'a expliqué Jean-Philippe Lachaux à l'issue de la conférence du 5 février 2019.
Car s'il en est pour qui l'attention peut tout changer, ce sont bien ceux qui doivent sans cesse se concentrer pour lire, apprendre et mémoriser. 

Vidéo : Les clés de l'attention et de la concentration pour les étudiants 


 




Rédigé par le Mardi 12 Février 2019
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