Alcool : leur enfer dans le binge drinking


"Quand je bois, je suis plus drôle, moins coincée, je me sens mieux, je rigole ; puis le lendemain, la vie est aussi triste, et pourrie…" Binge drinking, ou "biture expresse", une addiction à l'alcool qui peut devenir un enfer. Enquête et témoignages.



Nouveau ? pas vraiment… mais en constante évolution.

C’est un fait, la mode de la "biture expresse" s’est répandue, et rares sont les lieux d’étude épargnés par la tendance du binge drinking (écoles de commerce, facs de médecine, d’archi, de droit...) , cela commence même avec les premières soirées du lycée ! Le but du jeu (car ç'en est un, un peu comme dans les cours d’école où se mettent déjà en place les luttes d’influence, le "t’es pas cap" et les jeux qui font tourner la tête ), le but du jeu donc : "se mettre une tête" (boire le plus possible ) et le plus vite possible.

En fait, l’alcool n’est plus l’agrément de la soirée mais l’objectif, et finalement s’installe comme une dépendance collective. Les dégâts, eux, s’ils peuvent être collectifs, sont aussi profondément personnels: on finit par se retrouver seul avec son problème de dépendance à l’alcool.

Comment ça commence ?

Les première consommations d’alcool sont souvent vécues tout simplement en famille autour du vin de table. Un interdit (encore un) à dépasser : l’enfant a soudain l’impression d’être enfin admis dans la cours des grands,  vers 13 ou 14 ans en général.
Bien sûr, ce n’est pas cela qui va faire de nous un alcoolique dépendant du jour au lendemain, mais il semblerait que plus la première "dégustation" est précoce, plus elle prépare le terrain.

Filles et garçons boivent-ils de la même façon ?

On peut dire qu’il y a un rapport à l’alcool différent selon si l’on est un garçon ou une fille (même ici la parité n’est pas de mise…) Il semblerait que les garçons dont les parents ont une formation intellectuelle plus élevée soient plus enclins à avoir accès à l’alcool.

En ce qui concerne les filles, ce sont des facteurs plus psycho - comme la difficulté à communiquer paisiblement avec les parents, les blessures affectives - qui pousseraient les filles à chercher un exutoire. D’ailleurs à l’inverse, pour les filles, c’est aussi la famille qui devient un facteur de régulation.

Boire, un effet de groupe ? Pas seulement.

Oui, il y a une sorte d’entraînement collectif, mais comme nous l'avons dit, c’est souvent une détresse personnelle (consciente ou non) qui pousse à rejoindre tel groupe d’amis "fêtards". L’oisiveté, l’ennui, la peur de la solitude, du regard des autres aussi : "Dans ma promo, si on ne va pas aux fêtes, qui sont de vraies beuveries, on n'est pas intégré", dit Mathilde, 18 ans, étudiante en école de commerce.
Pour peu qu’on soit timide, angoissé, on croit trouver ainsi une place (illusoire). "Quand je bois, je suis plus drôle, moins coincée, je me sens mieux, j’ai les yeux qui brillent, je rigole ; puis le lendemain, la vie est aussi triste, et pourrie… ", a écrit bubul20, 15 ans, sur un forum de dépendants.
Et puis la pression scolaire liée au rythme de travail, accentue parfois le phénomène. "Après deux ans de prépa à travailler 7 jours sur 7, j’ai eu envie d’exploser, de découvrir autre chose", dit Marc 21 ans, en école d’ingénieurs.

Autre évolution : Les alcoolisations massives ne se font plus dans les bars et les discothèques, où le prix est dissuasif, mais dans les lieux publics, la rue, les gares et les parcs. Les alcools forts sont achetés en grande surface et directement consommés à la bouteille. Les garçons optent plus facilement pour les bières fortement alcoolisées (substitut des héroïnomanes), et les filles pour des alcools forts plus sucrés.

Quelques chiffres témoignent

18% des garçons et 6% des filles âgés de 17 ans boivent de l’alcool régulièrement ; 46% de ces jeunes déclarent en avoir consommé de manière excessive dans les 30 derniers jours. (Enquête Escapad 2005) 16% des garçons (et 9% des filles) déclarent avoir une ivresse par soirée. (Enquête SMENO 2007)  Le pourcentage d'adolescents ayant expérimenté le binge drinking dans le mois est passé de 20% en 2005 à 26% en 2007. (enquête sur les hôpitaux allemands)

Le deuxième effet biture

Gare aux conséquences de la consommation régulière d’alcool : "La perte de contrôle, les comportements violents et impulsifs peuvent se révéler dangereux pour les autres mais également pour soi. Au-delà des accidents de la route ou de sport, celui qui est éméché devient la victime idéale de rixes, de manipulations et de violences physiques, morales ou sexuelles", indique le Dr Philippe Batel pour Doctissimo.

Ces excès d'alcool peuvent également marquer le cerveau à long terme. L’agence de presse Destination Santé rapporte les conclusions d'une étude de l’université de San Diego (Californie) menée avec 28 jeunes volontaires. Verdict après analyse de leur IRM : la moitié de ceux qui ont déjà pratiqué plusieurs fois le binge drinking présentent des lésions irréversibles du cerveau, au niveau de leur substance blanche (celle constituée de fibres nerveuses, dite blanche par opposition au cortex cérébral de couleur grise, qui gère le traitement des informations). Des lésions cérébrales que l'on retrouve  habituellement chez les adultes alcooliques et qui ont étonné les auteurs de l'enquête !

Les effets sur le sommeil sont également néfastes. Après avoir aidé à l’endormissement, l’alcool empêche le passage à la phase profonde, et pour une soirée de fête, une semaine de récupération s’impose, dès lors ce peut-être l’échec scolaire et le cercle vicieux à la clef…

Le premier pas pour en sortir : voir les choses en face

Si le corps n'a besoin que de quelques semaines pour supporter un sevrage d’alcool, l’esprit, lui, est plus fragile, et tout se joue à ce niveau ! Il faut d'abord accepter de voir les choses en face et ne pas se dire :  "Je ne suis pas alcoolique, je le sais, je le sens. Moi je ne fais que m’amuser", comme le rapporte Hugo dans son livre "Super biture, mon enfer dans le binge drinking" (Editions Jacob-Duvernet, Paris, 2008).

Attention : ce déni est autant personnel que collectif. Exemple : la bière, dans l’imaginaire collectif reste inoffensive. Alors qu'étant plus sucrée, elle démultiplie les effets nocifs. N'attendez pas forcément des autres qu'ils vous disent la vérité si eux-mêmes ne reconnaissent pas leur problème.

Commence donc par accepter la réalité, et auto-évalue ton état de dépendance :
http://www.automesure.com



Se fixer des règles

- Ensuite, fixe-toi des règles. D'après les indications données dans les forums, plus elles sont précises, plus elles sont faciles à respecter : par exemple, avant la sortie, décider de boire seulement 3 verres, manger quelque chose en buvant, ne boire qu'un verre d'alcool toutes les heures, alterner avec des boissons sans alcool pour couper sa soif, prendre des boissons faiblement alcoolisées, prendre le temps de savourer son verre, boire à petites gorgées, garder chaque gorgée dans la bouche, poser son verre après chaque gorgée, se lever, danser, aller se rafraîchir, prendre l'air, etc.

- Fais-toi accompagner si tu peux convaincre des amis : arrêter à plusieurs en même temps, c’est plus motivant.

- Note sur un journal tes progrès (pour les jours de découragement) et les changement positifs que tu observes au quotidien…


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Mercredi 6 Janvier 2010
Milène Rapp
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