16-25 ans : bien gérer ses parents


A l'âge de prendre son envol du nid familial, les relations avec les parents se transforment. Comment trouver la bonne distance et garder des relations satisfaisantes ? Conseils pour bien négocier ce passage.



C'est fou le nombre de livres qui expliquent aux parents comment gérer leurs enfants adolescents ! Mais il y en a beaucoup moins pour ceux qui ont des difficultés avec leurs parents. Pourtant, ce n'est pas si simple.

Mais comme vous n'avez pas le temps (ni l'envie) de lire 36 bouquins, nous avons enquêté pour vous auprès de quelques psys et sondé des parents et leurs fils ou filles, lycéens, étudiants ou jeunes pros. En résumé, voici dix pistes pour vous aider à mettre de l'huile dans les rouages.

1/ Mieux comprendre l'enjeu

L'enjeu, ce n'est pas de savoir si vos parents sont compréhensifs ou trop sévères, pot-de-colle ou abonnés absents, marrants ou déprimants... Car malgré les différences d'une famille à l'autre, l'enjeu reste le même : entre 15 et 25 ans, chacun de nous doit vivre une "renaissance" comme le dit le psychologue Patrick Estrade. Un nouvel être adulte émerge peu à peu sur tous les plans (physique, psychologique, relationnel, intellectuel...). Les relations avec les parents doivent aussi se transformer, progressivement mais fondamentalement. Vous allez prendre votre autonomie non pas pour ne plus les aimer ni les voir, mais pour nouer avec eux de nouveaux liens.

Pour cela, il faut quitter votre habit d'enfant dépendant pour endosser celui du jeune adulte autonome qui sera toujours leur fils ou leur fille. Bien sûr, cette métamorphose ne se fait pas en un jour. La célèbre psychologue Françoise Dolto l'a comparé à la mue du homard qui perd sa carapace (d'enfant) et met un certain temps à faire celle de l'adulte. Entre les deux, il peut y avoir des blocages et des crises.

2/ Mieux comprendre ses parents

Pour les parents non plus, le passage n'est pas facile. En quelques années, leur cocon familial connaît une vraie révolution. D'abord, ils sont angoissés par la perspective des dangers qui vous guettent. Et ne pouvant plus vous garder sous contrôle comme lorsque vous étiez au berceau, ils se sentent insécurisés (d'où la réaction de certains de serrer la vis).

Sur le plan affectif, ils doivent se résoudre à ne plus recevoir de vous les mêmes attentions. Votre temps pour eux, avec eux, est compté. Normal : votre vie affective se construit de plus en plus à l'extérieur de la famille. Enfin sur le plan relationnel, ils doivent sans cesse changer de braquet, au fur et à mesure des mois et des années. Adapter leur autorité, leur façon de communiquer. Ils ne peuvent plus imposer, ils doivent dialoguer. Et pour finir, renoncer aux projets qu'ils avaient sur vous pour vous laisser réaliser les vôtres.

3/ Procéder par étape

En général, les événements de la vie vous offrent des occasions de prendre de plus en plus d'autonomie. Cela se fait par étapes, mois après mois, année après année, et c'est très bien ainsi. Prendre une chambre en dehors du domicile familial, partir en vacances avec des copains, commencer à faire de petits boulots, remplir ses papiers pour décrocher une bourse, apprendre à conduire, faire un choix d'étude...

Vis-à-vis des parents, cette progressivité permet de se détacher peu à peu, donc en douceur. Certains regrettent de devoir rester dépendants matériellement trop longtemps. On peut toutefois dépendre financièrement de sa famille, mais grandir en autonomie dans sa tête. Evitez simplement les situations ambigües : par exemple vivre en couple chez vos parents, ou demander à votre mère d'entretenir votre linge alors que vous avez votre travail et votre domicile. Ces étapes marquent normalement le passage définitif à l'âge adulte. Les relations que l'on a avec ses parents doivent aller avec.

4/ Accepter le dialogue

Normalement, c'est aux parents d'instaurer un climat propice au dialogue. De votre côté, sachez saisir les perches qui vont sont tendues. Ne vous murez pas dans le silence, mais profitez des occasions pour dire un peu de ce que vous vivez. N'attendez pas d'avoir de "gros paquets" à déballer tout d'un coup ('j'arrête mes études", "je pars demain faire le tour du monde"..), mais donnez régulièrement de vos nouvelles, parlez de vos projets, de vos soucis.

Attention : il ne s'agit pas de tout dire, il faut bien sûr garder son jardin secret. Mais vous ne pouvez pas reprocher à vos parents de ne pas vous comprendre si vous ne leur parlez jamais. Bien sûr, vous courez le risque d'affronter leurs critiques ou leurs conseils trop appuyés. Si les discussions tournent au vinaigre voire au conflit, attendez des jours meilleurs et appliquez plutôt les points suivants. La plupart du temps, le dialogue est bénéfique : il pemet aux parents de suivre ce que vous vivez, et apaise leurs craintes. Ils vous lâchent les baskets et vous pouvez alors déployer vos ailes.

5/ Passer des contrats

Puisque vos relations évoluent, mettez-vous bien d'accord sur la façon dont vous allez fonctionner ensemble, que ce soit sur le point matériel (argent, logement, financement des vacances, services...) ou relationnel (sorties, vacances, fêtes de famille...). Sans écrire de vrais contrats, il s'agit d'être précis et de se mettre d'accord après avoir bien discuté. Profitez des débuts d'année scolaire pour redéfinir ensemble votre modus vivendi et revoyez cela chaque année en fonction de ce qui bouge dans votre vie. Cette année, vous habiterez en résidence étudiante et convenez de rentrer chez vos parents, qui financent vos études, une fois par mois.

L'air de rien, la méthode permet d'éviter bien des conflits : vos parents ne vous supplieront pas chaque week-end de rentrer, et vous pourrez ainsi mieux vous organiser. Se tenir à ce qu'on a promis, c'est aussi une façon de respecter ses parents, de ne plus fonctionner de façon anarchique, en rentrant sans jamais les prévenir, comme s'ils étaient toujours "à notre service".

6/ Garder des moments privilégiés

Un p'tit repas au restau en tête à tête avec votre père, une après-midi de shopping avec votre mère, un week-end, un voyage, un match de tennis, un bon moment partagé... Nous avons tous en mémoire ces bons temps familiaux qui nous font plaisir. Pourquoi y renoncer ? Même en avançant dans la vie, l'affection de nos parents nous reste précieuse. Et ils leur font aussi très plaisir. Ne craignez donc pas de prendre l'initiative de proposer vous-même à vos parents un de ces temps privilégiés : vous témoignez ainsi de votre attachement, et montrez que vous n'êtes plus l'enfant qui reçoit toujours mais que vous aussi pouvez à votre tour donner.

7/ Trouver la bonne distance

Ni trop près, ni trop loin. Il ne s'agit pas seulement de géographie mais de proximité psychologique. Etre trop près de ses parents, au chaud sous leurs ailes, c'est risquer de ne pas affirmer sa propre personnalité ou de subir leur emprise psychologique. Etre trop loin, c'est se priver de leur affection, de leur soutien. A chacun de trouver la bonne distance, le bon rythme. Il suffit parfois de s'éloigner un peu pour recommencer à respirer. En cas de conflit, une distance peut permettre d'apaiser les tensions, et de reprendre ensuite des relations plus calmes.

8/ Chercher sa voie professionnelle

Rien ne tranquillise plus des parents qu'une fille ou un garçon qui trouve sa voie, réussit ses études et son entrée dans la vie professionnelle. Certes, beaucoup ont tendance à influencer les choix d'orientation de leurs enfants. Mais si vous êtes réellement motivé et prenez le temps de bâtir votre propre projet, vos parents n'auront plus qu'à s'incliner et seront même fiers de vos réussites. Votre prise d'autonomie en sera grandement facilitée et les relations familiales nettement plus détendues !
Ne prolongez donc pas inutilement l'enfance et l'adolescence par un refus stérile des études ou de tout projet d'avenir. L'échec inquiète les parents qui ont tendance à vouloir imposer leurs solutions. Cherchez vous-même vos solutions, et demandez simplement à vos parents de vous soutenir.

9/ Couper le cordon

Au bout de cette route, à la fin de l'adolescence, vous entrez normalement dans de nouvelles relations avec vos parents. Sur le plan matériel, vous êtes capables de vivre sans eux, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas continuer à vous aider en vous prêtant de l'argent par exemple.

Mais l'évolution la plus profonde concerne votre lien affectif. Comme l'explique Isabelle Stoquelet-Dargent, psychologue, "l'adolescent devient adulte quand les angoisses de ses parents n'engendrent plus chez lui d'effets inhibiteurs. C'est-à-dire lorsqu'il peut agir librement sans se demander tout le temps si cela ne va pas faire de peine à ses parents." (lire Quand devient-on vraiment adulte ?) Vous n'agissez plus en fonction d'eux (pour leur faire plaisir) ou contre eux (pour les embêter), vous faites vos propres choix. C'est ce qu'on appelle "couper le cordon". Votre attachement filial demeure, votre affection pour votre père et votre mère, mais vous n'êtes plus soumis à leur autorité. Vos parents eux-mêmes ne vous considèrent plus comme un enfant mais comme un adulte. "Quand ton fils sera devenu grand, dit un proverbe africain, traite-le comme un frère".

10/ Ne pas hésiter à se faire aider

La vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille et il se peut que les relations à vos parents (père ou mère) aient été ou soient difficiles, douleureuses ou conflictuelles. Pour avancer quand même dans la vie, n'hésitez pas à en parler et à vous faire aider. Un soutien psychologique peut aider à se libérer de souvenirs douloureux, et à sortir de situations pouvant paraître sans issue. Mieux vaut en tout cas réfléchir à tout cela avant de devenir soi-même parent.

Lundi 19 Décembre 2016
Dans la même rubrique :