Sexualité : sommes-nous vraiment libérés ?



Dans son livre, "Une Jeunesse sexuellement libérée (ou presque)", Thérèse Hargot ausculte les jeunes face à l'amour et à la sexualité. Philosophe et sexologue, intervenante en lycée, elle ose un diagnostic dérangeant : oui, la sexualité est "libérée", mais les adolescents qu'elle rencontre, eux, ne sont pas vraiment libres. Cherchez l'erreur.




Sexualité : sommes-nous vraiment libérés ?
Thérèse Hargot est une jeune femme étonnante. De formation philosophique, elle se passionne depuis son adolescence pour les questions liées à la vie affective et sexuelle. Avec, au demeurant, une vie plutôt classique puisqu'elle est mariée et mère de trois jeunes enfants. 

Elle exerce un drôle de métier qu'elle a du mal à expliquer à ses enfants : sexologue ! Elle reçoit en consultation des hommes, des femmes, des étudiants, des adolescents... qui ont un problème avec le sexe et la vie amoureuse. Et puis, après avoir fondé le mouvement Love Generation, elle intervient sur ces questions dans des classes de collège et de lycée à Paris. 

Cela lui a déjà permis d'entendre pas mal de choses et lui a donné envie d'écrire ce livre :"Une Jeunesse sexuellement libérée (ou presque)", chez Albin Michel. Son constat : les adolescents sont peut-être libres de tout faire, mais ils sont soumis à de nouveaux diktats qui ne font que les angoisser ! Ecoutez-la.


La culture porno : trop de sexe gâche la sexualité

C'est le premier motif d'angoisse. Et hélas, ça commence jeune puisque les vidéos porno circulent sur les smartphones parfois dès le primaire. Au collège, il n'est pas rare qu'on en regarde pendant les cours. Ou qu'on se masturbe dans les toilettes quand on ne cherche pas à se filmer pour diffuser les images sur les réseaux sociaux. Du coup, les premières relations servent souvent de "bancs d'essai" : il ne s'agit plus de vivre une rencontre unique, mais de reproduire ce qu'on a vu faire. 

Les résultats, Thérèse Hargot les observe dans les confidences qui lui sont faites tous les jours. Certains sont addicts, d'autres n'arrivent plus à regarder une femme pour elle-même, ou bien ils ont l'angoisse de la "performance" : "Quand on regarde du porno, après, on a peur de ne pas être à la hauteur", disent les lycéens. Certaines filles croient devoir accepter toutes sortes de pratiques "pour faire plaisir" à leur copain. Elles en sortent déprimées et dégoûtées.
 
"Si l'on vise l'amour, la préparation par le porno, c'est l'échec assuré"
 
Alors si tout ce sexe empêche de bien vivre sa sexualité, où est l'erreur ? C'est que le porno présente la sexualité comme une quête de plaisir purement technique, répond Thérèse Hargot. Il réduit l'autre à un objet de consommation, bien loin du mystère que représente chaque être et du respect qui lui est dû. Et bien sûr, il évacue l'amour : "Si l'on commence à viser l'amour, la préparation par le porno et l'expérimentation vaille que vaille, c'est l'échec assuré", écrit-elle.

Etre en couple : un nouveau diktat

Pourtant, beaucoup de ceux que Thérèse rencontre dans les classes cherchent l'amour. C'est même de plus en plus fort : "la banalisation du sexe augmente le poids des sentiments". Et curieusement, on "se met en couple" de plus en plus jeune, au risque de se "scotcher" totalement à son copain ou sa copine, de ne plus oser le ou la quitter... N'est-ce pas mignon et préférable à ceux qui vont d'expérience en expérience ?
 
"Avant d'être avec quelqu'un, il faut être quelqu'un"

Oui et non, répond la sexologue. Car "avant d'être avec quelqu'un, il faut être quelqu'un", dit-elle. Autrement dit, avoir achevé de construire sa personnalité, ce qui est normalement le but de l'adolescence. Pour ceux qui "sont en couple" trop tôt, bien souvent, dit-elle, "la croissance personnelle s'arrête". Il y a aussi un risque d'isolement, de fusion, au risque de perdre totalement son autonomie et de se retrouver en grande souffrance lorsque la relation se brise.

Alors avant de vous soumettre à 15 ans au diktat du couple, réfléchissez et demandez-vous si vous n'avez autre chose à vivre pour devenir vous-même...

Un plaidoyer pour le célibat 

"Le célibat, c'est quand même génial. Tu peux parler avec qui tu veux, partir où tu veux, danser avec qui tu veux, draguer qui tu veux, bref, tu es libre de tes mouvements. Surtout, cette liberté t'oblige à te connecter à tes désirs : qu'est-ce que moi je veux ? Cette question permet peu à peu l'émergence du "moi" qui s'exprime au travers d'une volonté. Il n'y a que dans l'expérience fondamentale de la solitude qu'on devient un sujet libre et pour cela, quand on est adolescent, rien de tel que le célibat".
Thérèse Hargot - Extrait de Une Jeunesse sexuellement libérée (ou presque)

Etre ou ne pas être homosexuel, la question à ne pas se poser

Sexualité : sommes-nous vraiment libérés ?
"Comment savoir si on est homosexuel(el) ?" C'est la question la plus souvent posée dans les classes, indique Thérèse Hargot. Car la quête est existentielle : "est-ce que je le suis, ou pas ?". Encore un diktat anxiogène. Il faudrait choisir son identité alors qu'on ne connaît encore rien à la vie ni à l'amour ! Du coup les adolescents scrutent leurs moindres émotions et désirs, à moins qu'ils ne fassent des "tests"...

Or ce n'est pas comme cela qu'il faut voir les choses, indique la philosophe. "Tout simplement, parce que "être homosexuel", ça n'existe pas", assure-t-elle. Ah bon ?! On peut certes avoir des attirances, des fantasmes, des relations sexuelles avec des personnes de même sexe, explique-t-elle, "mais en aucun cas ces expériences ne détermine l'être profond". D'autant que la sexualité est par nature une expérience complexe et parfois contradictoire. 

Inutile donc de chercher à entrer dans une case. Pourquoi d'ailleurs vouloir se définir par rapport à nos désirs sexuels ? Pour vous aider, conseille la sexologue, ne dites pas "je suis" (je suis amoureux, je suis avec Untel...) mais "j'ai" (j'ai un sentiment amoureux, j'ai un relation de couple avec...). Ainsi vous prenez de la distance par rapport à ces actes, vous pouvez les comprendre et en faire ce que vous voulez, vous êtes plus libre.

Alors, elle est où la vraie liberté ?

Avec tout ça, la "libération sexuelle" en prend un drôle de coup : d'autant que Thérèse Hargot évoque aussi les dangers de la contraception, des discours de prévention purement techniques, la pratique du sexe sans amour (les sex-friends)...

Alors, la vraie liberté, ce serait quoi, a-t-on envie de lui demander ? Doit-on revenir totalement en arrière ? Non, mais il ne faut pas se tromper de liberté et en bonne philosophe, elle nous invite à philosopher. A revenir à la question centrale : qui suis-je ? Une personne humaine ? "Qu'est-ce qui la distingue des animaux et des objets ? "Le corps, le coeur et l'esprit peuvent-ils se détacher l'un de l'autre ?", interroge-t-elle. Sa réponse est non et pour elle, tout part de là.

Si le corps est ainsi lié au coeur (domaine des sentiments) et à l'esprit (domaine de l'intelligence), il n'est donc pas une simple enveloppe  extérieure. Quelle est sa valeur ? Et la valeur du corps de l'autre ? Est-ce que mon corps, c'est moi ?" Pour Thérèse Hargot, la réponse est positive...

On peut alors poursuivre la réflexion : si mon corps exprime le mystère de mon unicité, quel est le sens de mes gestes ? "Ce que je fais avec mon corps a-t-il une influence sur mes affects et mon esprit ? Sans doute, puisque les trois dimensions ne peuvent être isolées. A qui dois-je donner la priorité : à mes pulsions ou à ma raison? Pourquoi mon corps et mon esprit ne sont-ils pas toujours d'accord ?

Un beau questionnement philosophique qui permet au final de réfléchir à nos manières d'agir, notamment en matière de sexualité.


Pour retrouver Thérèse Hargot sur son blog :
http://theresehargot.com/

la rédaction

Témoignages | Initiatives | Coin philo | Portrait | Citations | Spiritualité








Vos articles préférés !




Inscrivez-vous à la newsletter et téléchargez gratuitement le guide "7 clés pour réussir ses études"
Pour connaître mes droits sur le respect de la vie privée, je consulte les conditions générales de service.