Fouad Hassoun : "être aveugle ne peut pas m'empêcher d'être heureux"




La folie meurtrière a rendu Fouad Hassoun aveugle. Fougueux étudiant en médecine au Liban, il avait 17 ans lorsqu'un attentat lui a "crevé les yeux" et marqué le visage. Le jeune homme était emprisonné dans sa haine et son désir de vengeance. Jusqu'à ce qu’il pardonne à l'auteur de l'attentat, au terme d'un long chemin de conversion.




Fouad Hassoun vit désormais en France. A g. : le jour de son mariage à Beyrouth.
Fouad Hassoun vit désormais en France. A g. : le jour de son mariage à Beyrouth.
Nous lui avons demandé comment l'épreuve de la cécité et son chemin de conversion avaient renouvelé son regard sur le sens de l'existence. Propos recueillis par Sophie le Pivain.

Vous étiez jeune et plein de projets quand vous avez perdu la vue. Comment avez-vous redonné un sens à votre vie ?

Fouad Hassoun : "Perdre la vue a donné une nouvelle orientation à ma vie. Mais j'ai perdu la vue, pas la vie ! Sur mon lit d’hôpital, j'ai réalisé combien la vie était importante. Même quand tout le monde pleurait autour de moi, j'étais joyeux parce que j'étais encore là. Ma vie devenait plus importante que jamais parce que j'ai touché du doigt cette valeur d'être vivant.

N'avez-vous pas connu des moments plus difficiles ?

Prendre conscience de son handicap est une épreuve difficile. J'ai eu du mal à accepter mon nouvel état et j'ai connu un moment de révolte, qui a duré. C'est la grande question de tout un chacun quand on traverse une épreuve : pourquoi moi, pourquoi tout cela, pourquoi cette injustice ? Sur un plan humain, on se sent le plus malheureux, le plus démuni. 

« J'ai appris à m'aimer comme je suis »

Mais j'ai fini par transformer ma faiblesse en force, et j'en suis venu à me dire : et pourquoi pas ? Pourquoi moi, aveugle, ne pourrais-je pas faire des choses ? Cette grâce de l'acceptation m'a amené plus loin : j’ai appris à m'aimer comme je suis. J'ai compris que la phrase de l'évangile «Aime-ton prochain comme toi-même» était une vraie exigence : s'aimer soi-même, pas par égoïsme, mais comprendre qui je suis pour m'aimer tel que je suis.

Fouad a donné son témoignage dans un film réalisé par l'émission Le Jour du Seigneur :


Quelle est la place de la foi en Dieu dans votre vie ?

Si l'on croit à la vie, on croit en quelque chose qui nous dépasse. J'ai besoin de croire, ma foi en Dieu m'aide à recommencer tous les jours, à ne pas en rester là, à essuyer mes larmes quand je pleure, à reprendre quand je me suis trompé. Le problème n'est pas de tomber, il est de ne pas se relever.

La réussite dans la vie est un perpétuel recommencement, une conversion de chaque jour, de chaque heure, voire de chaque minute. Demain sera mieux qu'hier, c'est mon espérance.

Cette espérance n'a-t-elle jamais été déçue ?

J'ai pu être désolé mais je n'ai jamais été déçu. On est toujours déçu quand on ne met pas notre espérance au bon endroit, il faut aller au-delà de tout cela. C’est le sens du pardon.
 
Quand on est capable de pardonner, on peut être triste, pas déçu. Le pardon mène forcément vers l’amour. Il nous rend capable de dépasser les trahisons et les lâchetés, qu'elles soient en nous ou chez les autres, là n'est pas le problème. De même que l'amour entre deux êtres est toujours un peu déçu : on a nos rêves, nos projets, qui sont toujours un peu irréels, mais si on a le pardon, on peut toujours mieux. 

Le pardon mène à l’amour véritable

Le pardon mène à l’amour véritable, il nous rend capables de dépasser cette difficulté de la déception. Cette foi dans l'avenir va jusqu'à l’éternité. Si je crois dans ma vie, c’est que je crois que j'aurai une autre vie après, cela ne s'arrête pas. C'est ce qui me permet de ne pas mettre de limites dans mes relations. J'ai des repères, mais pas de limites, car il n'y a pas de limite à l'amour. L'Evangile nous le dit bien, en nous demandant de pardonner à notre frère 77 fois 7 fois.

Pour vous, qu’est-ce que "réussir sa vie" ?

Fouad Hassoun : "être aveugle ne peut pas m'empêcher d'être heureux"
Réussir sa vie, c'est pouvoir dire : "je suis vivant". C'est un cycle. On retouche à sa vie chaque matin, lorsqu'on retrouve la vie qui s'était un peu éteinte le soir. Chaque jour, il faut renouveler cet enthousiasme et se dire : "je peux faire quelque chose de ma vie". Il y a toujours quelque chose à faire, c'est comme ça qu'on peut se donner de vrais objectifs.
 
La réussite n'est pas le succès, ce n'est pas être le meilleur, le plus important, le plus riche. C'est s'endormir en se disant : "j'ai aidé, j'ai résolu des problèmes, j'ai pris soin des autres."

Je sais que c'est ce que me demandera le Seigneur quand j'arriverai devant Lui : "qu'as-tu fait de ta vie ?" Il ne me demandera pas ce que j'ai fait de mal ou que je n'ai pas fait, mais ce que j'ai fait de bien.

Faut-il donc faire de grandes choses pour "réussir sa vie" ?

Non, c'est comme sainte Thérèse de Lisieux : en faisant la vaisselle et en pliant le linge par amour, elle est devenue une grande sainte. Une œuvre sera belle si l'on est capable de la présenter comme offrande devant Dieu. Elle sera belle si j'ai pris soin de moi-même et des autres.
 
Nous devons prier Dieu pour qu'il nous aide à faire moins de mal et plus de bien. Plus la balance penche de ce côté, plus on est heureux. Le bonheur n’est pas dans les grandes études ou dans les grandes responsabilités, même s'il est aussi là. Il ne se paye pas, sinon ce serait un grand business ! Il n'appartient à personne, mais on peut participer à celui des autres. 'Heureux les artisans de paix', dit l’évangile. Et rien, ni les souffrances, ni les épreuves, ni la cécité, ne peut m'empêcher d'être heureux."

12 Décembre 2013

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