Arthur, né de spermatozoïde inconnu




Dans son ouvrage, "Né de spermatozoïde inconnu", Arthur Kermalvezen, nous livre son témoignage d'enfant conçu grâce à un don de sperme. Devenu adulte, en quête de ses origines, il lance un cri pour que l'anonymat des donneurs de gamètes soit levé : comment vivre quand on ignore l'identité de celui qui vous a donné la moitié de votre patrimoine génétique ?




Arthur, né de spermatozoïde inconnu
Ce livre est un témoignage. Il en a tout le poids et toute la valeur. Il est aussi l'ouvrage d’un homme qui pense : bien des questions de fond sont posées, questions fréquemment occultées dans les débats sur la procréation médicalement assistée (PMA)

Il est enfin l'expression d'un porte-parole : quelqu'un qui a choisi de parler et de se battre pour soulager la souffrance d'autres personnes, après avoir souffert lui-même.

Le témoignage est de première main. Les parents d'Arthur ne peuvent avoir d'enfant, du fait d'une stérilité masculine. Ils choisissent d'avoir recours à une insémination artificielle avec donneur (IAD), l'une des deux technique de PMA avec la fécondation in vitro.
Ils ont ainsi trois enfants, avec l'aide de médecins différents et en ayant recours à trois donneurs différents.



A la publication de son livre Né de spermatozoïde inconnu en 2008, Arthur a 24 ans. Il poursuit depuis son combat pour la levée de l'anonymat des donneurs.

Mon géniteur a-t-il l'âge de mon père ou de mon grand-père ?

À ces enfants, les parents d'Arthur ne cachent rien de leurs origines, ce qui est déjà remarquable : un grand nombre des 50 000 enfants conçus par IAD ignorent tout de leur mode de conception. Malgré cette connaissance, Arthur reste en quête de ses origines. Pour lui, l'homme qui l'a accueilli, éduqué, est bien son père, il l'affirme à plusieurs reprises.

Mais comment vivre dans l'ignorance de l'identité de celui qu'il appelle son géniteur, celui qui lui a transmis 50% de son héritage génétique ? Arthur a vécu avec cette question toute sa vie. Il se fait l'écho de ce que vivent ces enfants et des questions qui les habitent : cet homme, que je croise dans la rue, est-il mon père ? Et ces jeunes que je côtoie, sont-ils mes demi-frères ou demi-sœurs ? Est-ce que je ne risque pas d'avoir une relation consanguine ? Mon géniteur a-t-il l'âge de mon père ou de mon grand-père, puisqu'on conserve le sperme congelé durant de longues années ? M'aurait-il transmis, à mon insu, une maladie génétique ?

 

Des questions cruciales : qui sont ces donneurs ?

Le don de sperme doit-il rester anonyme ? Fotolia
Le don de sperme doit-il rester anonyme ? Fotolia
Arthur ne cache pas sa colère vis-à-vis des Cecos (Centre d’étude et de conservation du sperme) : pourquoi cachent-ils un secret qui me concerne au premier chef ? Quels sont ces médecins qui s'arrogent un tel pouvoir ? Comment ont-ils déshumanisé ce don au point de considérer qu'il s'agit d'une sorte de procédure ? Et plus généralement, de quel droit la société se permet-elle de maintenir ce secret qui pèse si lourdement sur des enfants et des adultes ? Que veut-on protéger ou qui veut-on protéger en agissant ainsi ?

Au détour de son livre, Arthur pose de nombreuses questions de fond : par exemple, qui sont-ils ces donneurs qui se cachent ? Quelle est leur motivation profonde ? S'agit-il d'hommes généreux qui donnent de leur sperme anonymement comme on donne de manière anonyme son sang ou ses organes ? S'agit-il vraiment d'un don analogue ? Que se cache-t-il derrière cette "générosité" ? Comment peuvent-ils vivre sans savoir s'ils ont, peut-être 5, peut-être 10 enfants ? Comment peuvent-ils accepter de n'assumer aucune responsabilité à leur égard ?

Filiation avec donneur : de nouveaux secrets de famille ?

"C'est une fiction biologico-juridique qui fait de moi le fils de mon père", écrit-il (p. 75). S'il reconnaît bien la paternité de son père juridique et social, il ne peut s’empêcher aussi de souligner "la souffrance profonde que son père ne soit pas son géniteur" (p. 77). Arthur manifeste dans tout son livre la complexité de ce rattachement aux origines. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander si connaître l'identité de son géniteur suffirait à apaiser cette souffrance.

La question des secrets de famille est également abordée aux détours de ce livre. On sait, dit l'auteur, qu'une grande partie des familles concernées par les PMA ne révèlent pas aux enfants les particularités de leur conception. Ne sommes-nous pas en train de fabriquer une nouvelle série de secrets de famille, alors qu'on en connaît les conséquences dévastatrices ? Et ces secrets, à quelle occasion seront-ils levés et avec quelle violence ?

Par ailleurs, qu'en est-il de la recherche sur la guérison de l’infertilité ? lance Arthur. Pourquoi n'est-elle pas réellement menée ? Pourquoi cette question est-elle à peine abordée et envisagée dans le traitement des cas d'infertilité ?
La fiabilité des enquêtes effectuées sur les personnes nées d'une insémination avec donneur (IAD) pose également question, souligne Arthur : il évoque une enquête sur 21 personnes alors que le nombre de personnes issues d'une IAD est égal à 50 000. Comment prétendre tirer des conclusions valables avec de tels chiffres ? Sur quelles données valables la réflexion éthique s'élabore-t-elle ?

PMA : Procréation médicalement anonyme

En écrivant son livre en 2008, Arthur a décidé de se manifester, de se mettre à nu, y compris devant les journalistes, en vue de militer pour la levée de ce secret sur l'identité des donneurs. Il fait partie de l’association Procréation médicalement anonyme dont le sigle (PMA) se superpose à celui de procréation médicalement assistée, et qui se bat depuis plusieurs années pour la levée du secret sur les origines. Il a choisi ce combat pour soulager la souffrance de milliers d'enfants et d’adultes, issus comme lui d’une IAD.

Laïque et apolitique, cette association regroupe en son sein des donneurs, des adultes conçus par IAD, des médecins parfois – par exemple psychiatres ou psychanalystes – et des juristes. Leur combat est à la fois médiatique, juridique et social.

Après avoir été envisagée par le législateur lors de la révision des lois de bioéthiques en 2011, la levée du secret de l’anonymat des donneurs n'a pas été adoptée. Mais la question ne manquera d’être à nouveau débattue, surtout si la législation française ouvre la PMA à des couples de lesbiennes.
 

Vidéo : le témoignage d'Arthur Kermalvezen


28 Février 2022
Claire Pécout

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